Un documentaire un peu particulier, assez loin de nous dans le temps, dans le lieu, et dans le rituel. De notre point de vue, devant un écran, par curiosité, pour un cours en résonance avec la danse contemporaine, on est tout de même derrière un écran. On regarde en tant que spectateurs, on est même en droit de se demander ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas ; y a-t-il des personnes qui jouent la transe ? Comment voir qui l'est, qui ne l'est pas ? Il y a des signes physiques d'une rare violence qui ne trompent pas. La bave, la rage qui monte au lèvre comme des torturés, ne peuvent témoigner que d'une souffrance impressionnante et, avec notre recul d'occidentaux, seulement terrifiantes. Même au sein de l'Afrique, je pense, la pratique est extrêmement restreinte ; on est toujours dans un univers particulier, existant dans un temps particulier, celui du rituel. On film des peuples qui ne savent pas ce que c'est. C'est comme si la caméra n'existait pas, on n'est pas dans un documentaire où on cherche à montrer qui sont ces peuples et à leur montrer quelle est notre technologie. La rare violence des images nous fait faire quasiment abstraction de tout le contexte, pour rendre l'idée de la transe universelle.
Tourné en 1955, le film montre ce qu'on pourrait voir aujourd'hui sur scène, dernières ruines d'une civilisation apeurée par la colonisation et cherchant à exorciser les traumatismes. Les esprits qui possèdent les habitants jouent des rôles, annihilant totalement la personnalité des individus. Et aujourd'hui ? Où sommes-nous ? Il semble que le moyen le plus approprié pour essayer de reproduire ça soit un monde spectaculaire. être un danseur, se mettre en condition, être emporté dans son corps et s'exprimer dans un langage intraduisible et insaisissable ; mais ce ne serait sûrement qu'un bien mince aperçu. On reproduirait. On imiterait. On chercherait à posséder ; mais je pense qu'aujourd'hui, dans ce monde, on ne plus du tout être possédés.