Où l'on voit que tombent la neige et les masques, au creux de l'hiver québécois...

Soient Jacques Sauvageau, acteur plus passionné par le jeu des machines à sous que par celui qui le fait vivre, sur scène, à Montréal ; Simon Boulerice, vieux sauvageon bougon, fâché avec son fils (d'épouse, il n'en est même plus question...) et cultivant clandestinement, au cœur de la forêt québécoise, des plants de cannabis qu'il revend nuitamment à des trafiquants ; Francesca, préposée à la relève des compteurs électriques, également fâchée avec les siens, du fait de son homosexualité bravache ; Patenaude, mafieux méchant prêt à perdre la vie plutôt que de renoncer à son dû... Quatre plants de "mauvaises herbes", enfoncés dans leur solitude et dans le rôle qu'ils se sont façonné, au point que leur costume, véritable tunique de Nessus, adhère à leur peau et consume leur existence ; à preuve, le comédien, superbe Alexis Martin qui, sous la neige, déambule dans les rues puis fuit en pleine forêt, affublé de son costume de scène et de sa petite notoriété d'acteur, débitant à volonté des tirades de ses emplois, comme s'il ne savait plus vraiment quel habit pourrait correspondre au rôle de sa propre vie.


Avec une tendresse bienveillante pailletée d'humour ravageur, le réalisateur Louis Bélanger assemble tout ce petit monde sous les lampes chauffantes du hangar à marijuana et s'amuse à faire fondre la glace qui congèle les rapports humains, chacun dévoilant peu à peu ses failles, ses attentes et, au bout du compte, sa profonde tendresse. Le rire s'incline devant l'émotion et, emmené par les cordes pulsées du grand Vivaldi, le spectateur prend finalement conscience que, au creux de cet hiver canadien, accompagnant les plantes dans leur lucrative croissance, toute une vie secrète s'est remise à circuler, révélant la beauté, l'unicité et le caractère infiniment précieux de la sève humaine.

AnneSchneider
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le 3 avr. 2017

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Anne Schneider

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