J'ai cru tomber à la renverse en constatant que lors de sa sortie française Zeroka no Onna Akai Wappa A.K.A. Les Menottes Rouges avait été rebaptisé avec ce charme et cet élégance à la française qui nous caractérise si bien L'aubergine Était Presque Farcie. Certes le film de Yukio Noda qui déroule un tapis rouge sang à tous les excès possible du cinéma d'exploitation n'est pas toujours lui même un modèle d'élégance mais il méritait mieux de se retrouver affublé d'un titre de vulgaire et parodique film de boules. Les Menottes Rouges est un film excessif qui s'adresse à un public averti, mais c'est un pur moment de plaisir pour les amateurs de films mal polis.
Les Menottes Rouges nous raconte l'histoire d'une jeune femme policière jetée en prison pour s'être fait justice elle même. Elle se retrouve toutefois en liberté pour une mission secrète, délivrer et éliminer les membres d'un gang ultra-violent qui viennent de kidnapper la fille du futur premier ministre.
Les Menottes Rouges est un film de Yukio Noda réalisateur japonais assez peu connu en France et surtout connu au pays du soleil levant pour la série des Furyo Bancho comportant pas moins de neuf films soit quasiment la moitié de la filmographie du bonhomme. Avec Les Menottes Rouges le réalisateur signe un film à la croisée de tous les chemins du cinéma bis et un peu à la manière du Mad Foxes de Paul Grau (Mais en mille fois plus réussi) il nous offre un film qui carbure à tous les excès du cinéma d'exploitation. Sorti en 1974 le film s’appuie sur une figure assez classique de femme fatale et dangereuse sans doute inspiré par le personnage de Nami Matsushima A.K.A. La Femme Scorpion. Longs cheveux bruns, visage impassible, robe verte, bottes noires et long manteau couleur sang assorti à son rouge à lèvres, son flingue, ses menottes volantes et ses boucles d'oreilles le personnage de Rei Zero Woman est tout simplement monstrueusement charismatique à l'écran. Charismatique et mystérieux car le personnage s'avère être finalement assez passif, peu affable et subissant énormément de choses avant de riposter. Humiliée, violée, battue, insultée, lâchée par ses supérieurs, Rei (Miki sugimoto) encaisse impassible et semble absorber toute cette violence, le digérer pour la recracher en retour. En tout cas le personnage est assez fascinant et insaisissable et Yukio Noda le met joliment en valeur que ce soit dans des poses iconiques et/ou par la mise en scène la montrant régulièrement imperturbable et froide alors que la violence se déchaîne autour d'elle. Et quand bien même cela reste une interprétation toute personnelle, j'aime voir dans ce personnage un symbole de toutes celles et ceux qui subissent violence, rabaissement et humiliations sans broncher durant des années et qui d'un coup riposte d'une bonne grosse mandale bien méritée dans la gueule.
Les Menottes Rouges est un concentré de cinéma bis qui combine action, horreur, érotisme et thriller dans un inventaire jubilatoire de cinoche d'exploitation. Home invasion, rape and revenge, pinku, torture porn, cinéma d'action, gore, W.I.P, thriller, le film de Yukio Noda s'en va même flirter vers le western crépusculaire lors de son ultime gun fight entre desperados et forces de l'ordre. Le film de Yukio Noda se vautre tellement dans une violence "gratuite", hallucinante et excessive qu'il s'adresse bien sur à un public averti (voir très averti) et encore capable de trouver la distance pour se délecter de séquences montrant des choses clairement détestables. Entre viols collectif, torture au chalumeaux, gueule défoncée à coup de tessons de bouteille, gerbes de sang, famille dénudée et brûlée vive, le film ne fait clairement pas dans la dentelle. Au cœur d'un récit sans temps morts aussi visuellement pop et coloré que thématiquement sombre et dérangeant, Les Menottes Rouges en profites aussi pour tacler à la carotide des élites prêtent à tous les sacrifices (surtout celui de subalternes) pour garder la face et leurs postes.
La densité d'un récit sans temps morts, l’excès décomplexé d'une violence pop et brutal, la qualité de la mise en scène et de l'interprétation plus le monstrueux charisme de son héroïne font des Menottes Rouges un pur bonheur de cinoche de quartier et de cinéma d'exploitation. En tout cas pour moi c'est un véritable petit coup de cœur