Critique : Les Miller, une famille en herbe (par Cineshow.fr)
Avec ses chiffres mirobolants au box-office Américain (130 Millions de dollars de recette en 6 semaines pour un budget de production à seulement 37 millions de dollars), Les Miller, une famille en herbe débarquera en France mercredi prochain avec un bouche à oreille forcément positif. Warner qui avait déjà su trouver la perle rare avec Very Bad Trip semble bien reparti pour un tour même si cette fois, les suites envisageables semblent un peu moins évidentes. En ayant habilement orienté son marketing autour du fameux lapdance de Jennifer Aniston, le studio s’assurait de trouver des yeux en masse pour découvrir comment la sage petite Rachel de Friends était devenue une véritable MILF maniant la barre de strip tease avec tact et talent. Un choix foncièrement racoleur même si le film en lui-même n’a rien de vraiment subversif, bien au contraire. Car malgré un fond et une forme aux allures de road trip décomplexé toujours sur le fil du rasoir, cette gentille comédie ne peut se targuer de sortir des droites lignes ni de la bien-pensance américaine, même si elle tente à peu près tout pour se convaincre du contraire.
Avec son histoire à mi-chemin entre un Little Miss Sunshine pour le coté road movie familial un peu barré, et Very Bad Trip pour la descente sans frein dans le salace et la blague qui interpelle, Les Miller a réussi à faire sa place dans le paysage des comédies US par une volonté assumée de pousser toujours plus loin les limites de l’acceptable dans le cadre d’un divertissement familial. Le film peut notamment compter sur les différents personnages composant cette famille éphémère, uniquement réunie pour ne pas attirer l’attention lors du passage à la douane d’un camping-car beauf rempli à craquer d’herbe. A l’extérieur, l’image renvoyée est l’archétype de la famille américaine digne d’un feuilleton, à l’intérieur, il s’agit d’un condensé de loosers outsiders dont la solitude semble être le seul dénominateur commun. La mécanique est connue quoi que toujours efficace, quatre personnages qui n’ont rien à partager vont se retrouver ensemble à vivre une aventure qui les dépasse. Entre un petit dealer estampillé chef de famille ne voyant dans ce voyage que son propre intérêt, un fausse mère strip-teaseuse de la partie que pour arrondir ses fins de mois, une jeune fugueuse rebelle et un ado naïf et un peu en retard sur les problématiques de son âge, le cocktail ne pouvait qu’être détonnant.
Et c’est principalement par l’écriture des personnages et la collection de situations absurdes que le film fait mouche, sans toutefois déclencher l’hilarité. La collection de mini-scénettes, dans le camping-car, au contact de voisins de camping légèrement portés sur les principes, voire même au contact d’un dealer de drogues importé de l’hexagone fonctionnent la plupart du temps mais arriver à franchir l’étape qui transforme une sympathique comédie en monument de rire. Pourtant, jamais les Miller, une famille en herbe ne recule devait une imagerie graveleuse, une réplique faisant avoir des hauts le cœur à la ménagère puritaine moyenne, ou encore la moquerie de la famille catho directement issue du Texas. Et ce choix un tant soit peu rebelle et flirtant plus d’une fois avec des pentes glissantes (homophobie, racisme..) aurait été franchement gagnant si le film avait réussi à se débrider totalement. Souvent schizophrène car pouvant passer en quelques secondes de la scène trash au monologue convenu et ennuyant sur l’importance de la famille, Les Miller, famille en herbe oscille entre un rythme parfois vraiment maitrisé et quasi trompeur sur la marchandise (le démarrage du film est plein de promesses) et un condensé de clichés éculés n’ayant pas grand-chose à faire ici. Entre la spontanéité dégagée par exemple par Ed Helms en roue libre en tant que parrain de la drogue, une scène de strip tease parfaitement inutile sur le plan narratif mais malgré tout savoureuse, quelques scènes à la symbolique douteuse mais forcément drôles (l’apprentissage du french kiss par la fausse mère et la fausse sœur est sans doute le plus osé) et la conclusion en guise de monologue moralisateur suivi d’un happy end à l’eau de rose, on se dit que le script a dû passer entre de nombreuses mains avant d’aboutir à sa version finale.
L’alchimie a beau fonctionner entre tous ces personnages un peu dingues et forcément sympathiques, Les Miller, famille en herbe n’arrive pas à marquer les esprits outre mesure. Il y a fort à parier que cette sensation d’être coincé entre deux chaises en soit la cause. Nul doute qu’avec encore plus d’audace, le film de Rawson Marshall Thurber aurait pu se révéler jouissif, du moins aussi savoureux que l’était le premier Very Bad Trip. Au lieu de cela, nous avons le droit à une comédie Américaine un peu au dessus de la moyenne, en apparence plus osée et irrévérencieuse, mais au discours malgré tout bien formaté pour ne pas sortir du droit chemin. Autant dire qu’avec la réputation qui précédait le long-métrage, il faut bien admettre que l’on a été un poil déçu même si l’expérience reste franchement plaisante à suivre. Et puis il y a Emma Roberts (nièce de Julia), délicieuse.