Lâcheté et mensonges
Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...
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À l’origine de ce film, une question : qui sont les Colette et les Gavroche contemporains ? Pour Ladj Ly et le collectif Kourtrajmé ce sont les jeunes qu’il filme naturellement au cœur de leur cité du 93. Dans ces espaces défrichés, investis par la débrouille, nous suivons les patrouilles d’une unité de la Brigade Anti-Criminalité qui accueille un nouveau membre : Stéphane (excellent Damien Bonnard).
La force de Ladj Ly est le recul qu’il arrive à prendre pour produire un film hypercontemporain, sans tomber dans le manichéisme ni le didactisme tout en filmant avec une énergie folle l’impossibilité de dialoguer entre deux corps différents devenus presque antagonistes : les jeunes de cités et la BAC.
À aucun moment, Ladj Ly ne prétend apporter une réponse aux interactions complexes qui régissent sur ce bitume calciné et délaissé par les services publics. Il parle du désintérêt des uns, des aspirations des autres, et des désillusions de beaucoup qui, à partir d’un moment, n’ont pas d’autres possibilités que d’expulser leurs colères et de crier dans cet océan d’indifférence pour attirer l’attention des autorités sur leurs conditions. Pourtant, les signaux envoyés ne trouvent jamais destinataires. C’est ainsi que les violences verbales, psychologiques et physiques deviennent infernales. L’humour est également partie intégrante du long-métrage et elle permet de s’attacher aux protagonistes puis d’amener de la légèreté pour équilibrer le poids de la tension omniprésente que Ladj Ly filme grâce à sa caméra mobile qui contraste avec les magnifiques scènes tournées au drone, qui pour une fois prouve son utilité en tant que personnage à part entière du film et de l'intrigue. Preuve de la qualité de cette bombe sociale, les acteurs semblent tout droit sortis d’un documentaire.
Ladj Ly filme son pays, la France à un instant T, dans l’état actuel avec cette première scène opportune qui revient sur la ferveur française de la victoire de la coupe du monde dans laquelle on perçoit l’attachement et la fierté de ses gamins vis-à-vis de leur pays et l’ultime scène qui nous montre l’état palpable de la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui. Un cul-de-sac.
Que ce film traverse la rue et aille jusqu’à l’Elysée !
Ma critique est disponible sur mon site : https://lestylodetoto.wordpress.com/2019/05/28/aux-armes-les-miserables/
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Créée
le 28 mai 2019
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