De quel respect tu me parles ? Les gens d'ici, ils ont peur de vous, c'est tout.

Un film coup de poing d’une puissance rare. Plus viscéral encore que La Haine, il s’en dégage une forme de mélancolie, de fatalité qui nous rappel une dure réalité : les banlieues délaissées et les violences policières, comment ces deux questions se révèlent beaucoup plus liées qu’on pourrait le penser, au point d’être intriquées. Le film nous présente les mécanismes en marchent et comment cela forme un engrenage fragile qui peut déraper sans prévenir. Il y a beaucoup de colère dans ce film, beaucoup de détresse aussi. Les personnages sont désemparés et sans forcément chercher à entrer dans un moule ou en sortir, on a cette sensation permanente qu’ils essayent de survivre, chacun à une situation différente.


Le film affiche aussi un certain cynisme par rapport à la France et sa relation avec les banlieues, et la relation que les banlieues ont avec la France. Le titre, pas anodin, n’en devient que plus puissants au fur et à mesure de l’intrigue et des évènements, si bien qu’on ne sait plus à qui il renvoie, si ce n’est peut-être à nous tous, de laisser cette situation perdurer et s’aggraver. Le dernier acte est, à ce sujet, très parlant dans le sens où ce n’est pas qu’une explosion de colère, ou une révolution, mais bien la concrétisation d’une détresse enfouie. Je ne sais même pas si on peut parler de haine, mais clairement on peut parler de souffrance. Une souffrance qui se retourne vers ceux censé les protéger et les aider. C’est extrêmement puissant.


Le casting est plutôt bon, voire très bon pour certains. On peut éventuellement regretter que les rôles féminins soient très secondaires, mais je pense que ça peut s’expliquer par la dynamique de l’intrigue et certains codes. J’ai beaucoup aimé le jeune Issa Perica, il dégage quelque chose de spontané, et il dégage une prestance incroyable dans le final, qui transmet beaucoup des émotions dont j’ai parlées avant. Idem pour Al-Hassan Ly, peut-être plus discret mais dont le personnage de Buzz est très attachant. Damien Bonnard, Alexis Manenti et Djebril Zonga se valent à peu près, mais j’ai trouvé parfois que c’était un peu stéréotypé.


Techniquement, le film est plutôt bon. La musique est plutôt sympa pour créer l’ambiance, et les décors plutôt bien utilisés (surtout pour le dernier acte, où ils créent cette sensation de labyrinthe puis de réelle impasse). En revanche, gros coup de cœur pour la photographie, la mise en scène et le montage. On retrouve parfois ce côté un peu documentaire, mais il y a des plans et des scènes vraiment bien foutus, et tout comme l’histoire, il se dégage quelque chose de l’image de très percutant. Et cette lente escalade dans le dernier acte, la tension créée petit à petit, avant le déchainement et l’acculement. Et puis ce dernier plan, quelle puissance ! Très simple mais très fort.


Bref, ce film dresse un portrait de nos cités et on en ressort lessivé. Parce qu’il viscéral, percutant, très fort dans les émotions qu’il transmet. Le pire, c’est que ça ne semble pas avoir beaucoup changé depuis 25 ans et qu’on se sent toujours aussi impuissant. Une réussite !

vive_le_ciné
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2019 et Au sommaire de ce cru 2021...

Créée

le 30 janv. 2021

Critique lue 98 fois

vive_le_ciné

Écrit par

Critique lue 98 fois

D'autres avis sur Les Misérables

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

205 j'aime

152

Les Misérables
guitt92
5

La haine c'était mieux avant

"Les misérables" est certes un constat d'urgence, un geste politique important qui mène à une conclusion pessimiste et sombre, beaucoup plus qu'il y a 25ans. OK. Mais je suis désolé, ce n'est pas du...

le 21 nov. 2019

125 j'aime

24

Les Misérables
Velvetman
7

La Haine

Ce n’est que le deuxième jour du Festival de Cannes 2019. Cependant, un souffle de fraîcheur surgit précocement. Les Misérables de Ladj Ly fait l’effet d’un immense coup de boutoir aussi rare que...

le 13 nov. 2019

89 j'aime

1

Du même critique

Sale temps à l'hôtel El Royale
vive_le_ciné
8

I’m guessing church pays as much as a keno lounge?

Je me suis régalé pendant ce film. Typiquement un thriller à énigme basée sur une ambiance comme je les aimes. Suivant plusieurs fils rouges dans un huit clos mené de main de maître, mais se...

le 23 oct. 2018

10 j'aime

2

Independence Day : Resurgence
vive_le_ciné
3

Time to kick some serious Emmerich ass

Il y a 20 ans, sortait sur nos écran un film intitulé Independence Day. Film très moyen mais extrêmement divertissant et assumant son côté pro-américain jusqu’au bout de la pellicule, il fera marque...

le 3 juil. 2016

8 j'aime

2

La Ligue des Justiciers : Dieux & Monstres
vive_le_ciné
7

Do you want save the world or do you want to rule it?

Une étonnante bonne surprise. Je m’attendais à voir quelque chose dans le genre de l’arc L’autre Terre ou en relation avec Earth-3 ; mais au final non, on a droit à une histoire complètement...

le 19 oct. 2015

8 j'aime

1