Les misérables est le premier long métrage de Ladj Ly et traite de l'isolement des banlieues et de la violence qui y règne. On suit le point de vue d'un flic fraîchement muté (Damien Bonnard) en banlieue parisienne. En tant que nouveau il va devoir s'intégrer dans sa brigade, et se faire respecter de ses collègues et des habitants du quartier.


Le film s'ouvre sur une scène de cohésion du peuple, probablement la dernière coupe du monde, seul moment de cohésion du film, tout le monde se sent solidaire le temps d'un match, les pauvres et les riches. La scène est courte, comme pour marquer le fait que ce genre de moment n'arrive que trop peu souvent et de plus ne dure pas.


Passé cette scène d'intro, on est directement plongé dans le quotidien des flics, donc du point de vue du petit nouveau, et il sera confronté à sa première affaire. Un lionceau a été volé par un gosse noir dans un cirque tenu par des gitans. La tension monte d'un cran, entre les gitans, les flics et le maire du quartier (qui n'est franchement pas net). L'enquête va les amener à se renseigner un peu partout, c'est là qu'on voit que l'expérience des flics dans le quartier est importante, ils savent comment la cité fonctionne et à qui s'adresser pour avoir des infos. C'est aussi là qu'on voit que le quartier en plus d'être isolé, coupé de l'état, est elle-même divisée, ou chaque groupe ne se préoccupe que de son business.


Toute cette affaire va dégénérer, et une escalade de la violence est mise en scène de manière intelligente, ou nul n'est réellement coupable et chacun a de bonnes raisons de faire ce qu'il fait. Le manichéisme est oublié, on traite ici de la fatalité. La fatalité d'une violence qui ne peut qu'arriver tôt ou tard, parce que les quartiers sont laissés à l'abandon par l'état. Les habitants se débrouillent comme ils peuvent, mais les flics aussi sont sans moyens, à cran et fatigués. Même si le point de vue du nouveau dans une équipe est un ressort classique, ça reste intelligent, ça permet d'accentuer les différences de comportement entre les anciens flics habitués à gérer le quartier et le nouveau, droit comme un i. C'est à la confrontation des deux visions qu'on voit que le film n'est pas un film anti-flic primaire, on sent très bien que les flics qui bossent la depuis trop longtemps sont changés, qu'ils n'ont pas le choix de changer, sinon ils se font bouffer.


Une des astuces de mise en scène du film est de prendre le point de vue d'un drone piloté par un gosse de temps en temps, ce sont les seuls plans réellement plus calme du film et qui s'éloignent des personnages. On a le droit à des plans d'ensemble de la cité, alors que quand on revient au sol on est toujours très proche des personnages, que ce soit dans les scènes de tensions, toutes les scènes en voiture ou autres. Ces plans drones permettent de prendre du recul sur cette cité en y filmant aussi sa face invisible, le quotidien des gens qui font chier personne.


Que dire de ce final, sinon qu'il fait écho directement au début du film. Là ou au début on a un peuple soudé autour d'un sujet commun, choses rares, donc scène courte, à la fin on a le conflit général entre les jeunes et les flics, la division est là, elle est violente, la scène est longue, et surtout à le bon goût d'être une fin ouverte. J'y vois un message de désespoir du réalisateur qui dit que sans changement radicale de la part de l'état, sans réelle aide apportée, les conflits dans les banlieues seront sans fin.


Ce film est excellent et mérite pleinement son césar du meilleur film 2019.

FabienBe
9
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le 4 mars 2020

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Fabien B.

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