Les Misérables par SanFelice
Mais à quoi pouvais-je bien m'attendre ?
Lelouch adaptant Hugo. ça fait peur, n'est-ce pas ?
La lourdeur du romancier alliée au manque de finesse de Lelouch.
Dès le début, on est dans le bain : un bal de bourgeois, Daniel Toscan du Plantier en comte, Robert Hossein pour l'hommage à la précédente grande version des Misérables, et la caméra qui tourne autour des personnages qui eux-mêmes tournent en sens inverse. Lelouch jusqu'à la caricature.
Alors, au début, j'ai encore à peu près suivi. Belmondo est injustement accusé d'avoir tué le comte, qui s'est en fait suicidé. Alors, le bonhomme est condamné au bagne et, puisque la double peine se pratiquait allégrement, il est également condamné à avoir William Leymergie comme compagnon.
Quelle cruauté !
On est alors au début du siècle.
On est alors au début d'un film qui a l'air de durer un siècle.
Parce que Lelouch a l'art d'étirer les scènes, de filmer des dialogues sûrement improvisés d'une pertinence impressionnante. Par exemple, une fois notre Belmondo emprisonné, il papote avec Leymergie (qui n'a alors encore frappé personne, ce qui relève de l'exploit). Et que se disent-ils ?
Ils parlementent pour savoir quoi écrire sur une lettre que Belmondo veut envoyer à sa moitié Célarié. Belmondo, en homme de lettres, veut répéter "Je t'aime" sur trois pages.
Et ça dure un quart d'heure comme ça.
Et ce genre de scène se répète tout au long du film.
On parle, on parle, on parle.
Pour ne rien dire.
Mais, au moins, on a encore, dans ce début, un fil conducteur que l'on peut suivre. J'ai cru, bêtement, naïvement, que le film aurait une narration à peu près normale.
Enfin, qu'il aurait une narration.
Je vous l'ai dit, j'étais naïf à l'époque.
Car notre Belmondo va mourir en tentant de s'évader.
Et quarante ans plus tard, on retrouve Belmondo.
Et c'est là que j'ai commencé à perdre le fil...
Donc, on a Belmondo, fils du Belmondo précédent, qui conduit des camions de déménagement (et, accessoirement, aide des Juifs, mais pas trop). Et, pendant le trajet, il se fait lire Les MIsérables. Et, par alternance, on voit le récit de Hugo, où Valjean est interprété par Belmondo.
Aaaaarrrrggggghhhhh !!!!
Pendant quelques temps, presque par hasard, il se passe quelque chose. Mais Lelouch se rattrape vite avec ses dialogues si bien sentis.
Donc, le film est construit sur un parallèle osé entre le Valjean ancien qui voulait réparer les injustices de son temps, et un Valjean moderne qui cache des Juifs et tue des Nazis dans des bunkers.
Faut-il préciser que la pertinence est plus qu’aléatoire ?
Le casting est, forcément, impressionnant. En théorie. Mais en pratique, peu d'acteurs savent tirer leur épingle du jeu.
Le plan d'ouverture donne le ton. Un gros plan fixe sur Belmondo faisant semblant de pleurer.Qui fait semblant d'être rongé par le remords. Qui fait semblant d'avoir le poids du monde sur les épaules.
Et on a Boujenah en avocat Juif. Et c'est plutôt un choix judicieux, il y est très drôle.
Pardon ? Il ne devait pas être drôle ?
Ah ?
Hmm hmm....
Allez, on arrête là le massacre. Il n'y a pas grand chose pour sauver le film. Khorsand en Javert, certes. Léotard en Thénardier, certes. Mais quand les acteurs s'en sortent par leur jeu, ils sont rattrapés par l'absence d'idée du scénario. Javert se suicide sans la moindre raison ni explication, de façon complètement inattendue. La femme Thénardier veut coucher avec Boujenah. On frôlait alors le ridicule, mais on s'y enfonce gaillardement lors d'une improbable scène de ménage chez les Thénardier où Léotard répète vingt-cinq fois "Je m'en fous".
J'escomptais diffuser des extrait du film à mes élèves.
Je crois que je vais m'abstenir.
Je vous conseille d'en faire autant.