En matière de cinéma d'exploitation, je pensais avoir fait le tour des principaux sous-genres, mais j'étais passé à côté d'une pièce maîtresse : le handicapsploitation. Il faut imaginer la rencontre des personnages de "Freaks" de Tod Browning avec l'univers tout ce qu'il y a de plus classique de la tatane hong-kongaise (même si la production est à dominante taïwanaise) pour esquisser un début d'aperçu de ce que peut produire "The Crippled Masters" aka "Les Monstres du Kung-Fu". C'est vraiment terrible dans tout ce qui est entrepris, si l'on met de côté les handicaps des deux protagonistes (ce qui est rigoureusement impossible bien sûr) on a droit à du cinéma d'art martiaux ultra bas de gamme, celui qui exploite le filon de la revenge story archi classique : brimade en introduction, parcours du combattant pour s'entraîner, transformation en maître du kung-fu, et vengeance pour terminer. Avec option bruitages lourdingues en prime.
Ça reste assez fascinant pour l'exercice de style, exploiter les victimes de phocomélie (probablement en lien avec la prescription médicale de thalidomide pendant la grossesse dans les années 50 et 60) de la sorte. Mais aussi, pour le versant positif, la reconnaissance des talents hallucinants des deux héros, l'un (Frankie Shum) atteint de malformation des membres supérieurs et l'autre des membres inférieurs (Jackie Conn). Une mise en contexte bidon donne une explication à leur handicap dans le film (le premier se fait couper les bras, le second se fait verser de l'acide sur les jambes), une fausse mission les conduit à récupérer huit petits chevaux de jade, et voilà, c'est l'épiphanie, ils comprennent l'étendue de leurs super-pouvoirs et ils deviennent invincible en combinant leurs deux particularités façon Power Rangers ou Transformers. On met un certain temps à réaliser ce qu'on vient de regarder.