On vous parle de Paris : Les mots ont un sens, (1970) est le cinquième court-métrage documentaire de la série « On vous parle de … » réalisé par le groupe SLON et Chris Marker. La Société pour le Lancement des Oeuvres Nouvelles (SLON), dont Marker fût un des initiateurs, a pour vocation de tourner les films qui ne devraient pas exister, c’est-à-dire aller vers des sujets, des faits d’actualité, notamment sociaux et politiques, qui sont mis de côté. Cette série documentaire s’inscrit tout particulièrement dans cette perspective en traitant des tortures au Brésil, ou bien l’exploitation des immigrés de Flins etc.
Ce cinquième film vient dresser le portrait de François Maspero, éditeur et libraire militant, grâce à sept mot-clefs présentés par des inserts du dictionnaire (effet Nouvelle Vague). Il est monté d’une façon assez classique, comme une interview traditionnelle où Maspero est celui qui est questionné, la caméra est sur lui, Marker joue le journaliste que l’on n’a pas besoin de voir car c’est son interlocuteur le sujet. Pourtant, les « questions » de Marker, n’en sont pas il s’agit plutôt de commentaires personnels, ou d’informations supplémentaires sur la personne de Maspero, ce qui crée, dans une moindre mesure, un décalage. La forme est au service du fond, lorsque Maspero évoque les ouvrages qu’il a publié sur la colonie, qu’était alors la Réunion des images viennent illustrer le propos, ou bien encore l’ajout de plans, de sons d’interviews de clients, de lecteurs. En 2020, pour quelqu’un qui n’a pas connu cette période, ce court-métrage est relativement difficile d’accès dans ses références historiques (exemple type de la revue Tricontinentale, qui fait référence à la Conférence de Solidarité avec les peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine qui s’est tenue à la Havane en 1966, afin de créer un front de lutte contre l’impérialisme). Cependant, toute la partie concernant le travail même de François Maspero est encore valable aujourd’hui, ses réflexions sont tout à fait contemporaines. On comprend très bien pourquoi le groupe SLON et Chris Marker ont voulu le filmer : ils partagent des idées communes. Maspero parlent pour eux d’une certaine façon quand il dit « Le choix, il repose sur la nécessité de publier des textes sur des sujets précis » c’est exactement ce qu’ils sont en train de faire avec cette série, ou bien encore lorsqu’il explique sa ligne éditoriale de contre-information en s’éloignant plus ou moins de l’information proposée par la radio, la presse ou encore la télévision pour proposer des thèmes tout à fait inédits « savoir réellement ce qu’il y a dans la tête d’un révolutionnaire cubain ou d’un militant noir ».
Ce qui pouvait être appelé librairie/éditeur militant a été remplacé aujourd’hui par l’adjectif indépendant, ce qui était vrai hier pour mai 68 l’est vrai avec #metoo, il suffit de substituer les termes : « En mai, […] cette ruée des éditeurs a été quelque chose d’absolument obscène […] il y avait cent mille personnes… plusieurs centaines de milliers de personnes dans la rue et que, du moment qu’il y avait plusieurs centaines de milliers de personnes, ça voulait dire plusieurs centaines de milliers d’acheteurs de bouquins. Alors ils se sont mis à publier, publier, publier comme des cochons […] ». Ce qui est vrai pour le monde de l’édition est valable aussi pour le monde du cinéma, attendons de voir combien de *Scandale* (J. Roach) Hollywood va produire.";>