Les Nains aussi ont commencé petits est un film cruel, d'un extrême cynisme, extraordinaire. Rien que le titre d'abord, cet incroyable titre, magnifique, d'une ironie profonde.
Werner Herzog dépeint ici un film où les seuls protagonistes sont des nains. Des nains dans une "maison de redressement" tenu par un nain, qui durant tout le film ne bougera pas de son bureau, occupé par un autre nain attaché à une chaise pour on ne sait quelle raison, complètement hilare, à se fendre la gueule pendant tout le film.
Et des raisons, ici il n'y en a aucune. Tout est absurde, cruel, dans un espèce de nihilisme fou.
Et d'ailleurs, est-ce vraiment une maison de redressement ou alors un hospice de fou où des êtres miniatures antipathiques brûlent des arbres, jouent à tourner en rond avec une voiture, s'amusent à balancer des poules par la fenêtre, torturent des animaux, détruisent tout et n'importe quoi, rigolent en permanence sans raison, d'un rire cynique, perçant, énervant, comme celui des Gremlins. L'une collectionne des insectes morts attachés par une épingle, qu'elle habille de tutus, de chapeaux de gendarmes comme pour faire joujou. C'est immonde.
Et c'est tout. Il ne se passe rien d'autre. Il n'est question ici que de nains qui s'amusent à détruire, à essayer des choses comme ça, sans raisons, à faire peur à de pauvres nains aveugles tout aussi sarcastiques, qui s'envoient des coups de cannes dans l'intention de s'entretuer, peut-être.
Et on sent l'influence des Idiots de Lars Von Trier, tourné vingt ans plus tard, tout aussi destructeur, grand, magnifique, sans queue ni tête.
Un monde cruel, radical, grinçant, où l'on rit jaune à chaque fois mais où parfois on aimerait rire franchement car c'est drôle, vraiment drôle. Comme cette scène où le nain le plus petit tente de grimper sur le lit afin d'aller rejoindre sa prétendue bien-aimée. Il essaye, s'y prend à plusieurs fois, est trop petit, fait des allers-retours, prend son élan. C'est pathétique, c'est drôle, c'est pathétique, on rit jaune, jaune.
Werner Herzog installe le mal-être, mais aussi la possibilité de rire de tout.
Le cinéma a ce pouvoir, très grand, de désacraliser toute chose. De rendre la vie futile. De rendre les choses sans importances. De rire de tout, tout, tout, tout, tout.
Miracle que le cinéma. Un immense bloc de liberté, hors d'une réalité qui se veut morne, froide, enfermée.
Werner Herzog observe simplement la cruauté de part des cadrages, des plans d'une incroyable photographie intensément esthétique, cadrés à la hauteur des nains. C'est beau, c'est incroyablement beau. L'impression alors de regarder un défilé de photographies toutes plus belles les unes que les autres, aux superbes cadrages. Werner Herzog sublime les nains. Ne cherche à aucun moment à rendre laides les choses qui l'entoure. Et malgré l'extrême antipathie de ces enfants miniatures qui n'ont jamais grandi, au sens propre comme au figuré, le réalisateur met en valeur toute la grandeur de ses personnages.
Un film extrême, à la cruauté, au cynisme, au nihilisme le plus total.
Il faut donc que je découvre ce très grand réalisateur, et vite !