Les Neiges du Kilimandjaro est une œuvre engluée dans un classicisme infiniment propret, lisse, qui ne propose rien d'autre que ce qu'il est : un immense bloc d'ennui, un concentré de pâleur, qui reste à sa pauvre place, ne dépasse rien, pas même les neiges du Kilimandjaro du titre, provoquant alors un décalage monstrueux entre le rêve des mots et la réalité que l'on voit à l'image.
Le film de Henry King est une adaptation d'un livre de Ernest Hemingway que je n'ai pas lu. Je ne peut alors dire ce que ce film apporte de plus ou non au livre, ou vice versa.
Un film principalement basé sur son seul scénario, qui ne fait aucune étincelle, aucune étoile, aucun dérapage de sentiments. Tout est gentiment raconté avec désuétude, le film suivant tranquillement son chemin vers le gouffre sans fin de l'ennui. Et l'on assiste effaré à un film vide de tout, qui ne s'égare nul part, passe son temps à évoquer encore et encore sans rentrer dans les détails, sans s'égarer une seule fois, même pas sur cette histoire d'amour censé être le sujet principal du film. Il survole, fait du surplace, encore et encore, du rase-motte en deltaplane, mais ne touche pas les étoiles, jamais. On ne peut pas en demander trop quand même.
Le personnage principal est un personnage que l'on connaît par cœur, englué lui aussi, comme l'entièreté du film, dans le rôle d'un écrivain raté, au physique quelconque, un peu torturé, mais sans aller au delà. Car bien sûr, il ne faut quand même pas exagérer. Laissons les sentiments à leur place. Ne débordons pas. Ne choquons pas. Il faut faire un film propret pour des gens proprets. C'est ce que veut Hollywood non de Dieu.
Alors peut-être qu'on peut le dire comme ça : Les Neiges du Kilimandjaro est un film profondément Hollywoodien, programmé pour ne choquer personne, pour plaire à tout un chacun, pour passer un joyeux moment sans réflexions, chouette comme tout.
On peut alors se rendre compte que c'est exactement pareil qu'aujourd'hui.
Le film comme unique produit de vente. La commercialisation pour les masses. Et c'était là exactement pareil dans les années 40, 50. Le grand monstre d'Hollywood qui envahi tout, provoque l'idiotie, le manque de réflexion d'un monde perdu d'avance.
Les seules minuscules lueurs de beauté sont peut-être l'utilisation du Technicolor, complètement sublime, un peu kitch, qui permet aux images de s'égarer très furtivement, une minuscule erreur non voulu dans ce monde de pâleur. Un vert bouteille, un rose fuchsia, dû au Technicolor de l'époque, qui s'échappent furtivement de l'image, entre deux plans, produisant une folie que l'on regarde en cachette, comme une erreur.
Figure aussi ces plans filmés en décor réels, avec ces animaux profondément vivants dans la brousse, qui avancent dans la nuit, bravant les herbes, l'obscurité.
Mais ces quelques lueurs d'espoir ne font rien, tant le vide immense qui les accapare est grand, vide, dénué de tout envol.