Les Noces rebelles par Maqroll
Sam Mendes poursuit son étude entomologique de l’être humain, curieux insecte qui vit en pavillon au milieu de voisins inévitables et s’obstine à éprouver des sentiments pour ses semblables… et à en souffrir ! Les Noces rebelles poursuit donc le travail entamé dans American Beauty pour un résultat somptueux et terrible à la fois, en forme de constat sans concession de la condition humaine. On a comparé Mendes à Bergman. Je suis un inconditionnel du maître suédois et la comparaison ne me dérange pas, même si le chemin est encore long pour l’Américain, qui en est seulement là à son quatrième film. Que sur ce même site, quelques incultes qualifient ce film d’ennuyeux renforce encore la comparaison car, ici ou là, l’ennui s’installe souvent quand le coeur fait défaut. Comme dans ses autres films, Mendes fait preuve ici d’une virtuosité étonnante au niveau de la mise en scène, d’une précision extrême, travaillée jusqu’au moindre détail. L’est-elle trop, précise et travaillée ? Ce serait le seul reproche à lui adresser si c’était vrai mais je suis loin d’en être persuadé car aucun effet n’est gratuit et tous concourent au renforcement du propos. Le scénario, aussi efficace que subtil, est tiré d’un roman qui posait déjà les mêmes problèmes cruciaux. Confrontés à une telle créativité, les acteurs ne peuvent que suivre : Kate Winslet est parfaite et Leonardo DiCaprio surprenant. Le titre original, Revolutionary Road, rend bien mieux compte du sujet que le titre français qui semble le limiter à des problèmes de couple. C’est de la société dans son ensemble qu’il est question ici, d’une révolution en route mais sans cesse avortée (et en ce sens la fin est exemplaire), d’un rêve (de Paris ou d’ailleurs) qui rencontre inlassablement le « vide » (celui de la vie, celui de l’écran, celui des tubes, celui de l’utérus…) On attend avec impatience le prochain opus de cette œuvre passionnante que Sam Mendes est en train de fabriquer sous nos yeux.