Le cinéma Argentin est peut être relativement discret, mais faut avouer que tout ce que j’ai vu de chez jusqu’à maintenant m’a réellement plu, car doté d’une originalité et d’une identité assez forte (« Les 9 Reines » et « Dans Ses Yeux », pour ne citer qu’eux). Le petit dernier en date à réussir une exploitation un minimum respectable en France (grâce à l’argument de production par Almodovar) me faisait déjà les yeux doux depuis quelques temps, en raison de son thème et de sa fort bonne réputation.
Il s’agit donc d’une succession de 6 histoires, indépendantes et à durées assez variables. La plus courte (la toute première) ne doit en effet pas dépasser 10 minutes là où les plus longues peuvent atteindre 25 minutes. Le point commun de toutes ses histoires, c’est de montrer une Argentine complétement stressée, désabusée, dominée par le fric et l’image de soi où les puissants et les cyniques arrivent à s’en sortir. A travers cette vision « industrielle » du pays, certains rouages deviennent/sont devenus marginalisés et, face au reste de l’impitoyable mécanique qui continue à fonctionner sans eux, la revanche se prépare petit à petit...
Quelque-soient leurs durées respectives, un premier constat se fait : chaque histoire arrive à correctement prendre son temps pour développer contexte et personnage. Plutôt que d’écraser chaque petit pâté de sable successivement, ici on préfère attendre que le beau château soit construit en entier, avant de le balayer d’un bon coup de pied bien violent. Bonne chose. Cela permet d’accentuer l’attente et le besoin défouloir du spectateur jusqu’au dernier acte. Autre gros constat, le film évite un autre gros cliché du film à sketch avec des histoires qui donnent un résultat d’ensemble vraiment homogène. Sans spoiler pour ceux qui ne l’ont pas vu, le film peut néanmoins se résumer à ça :
- La première histoire (L’Avion), la plus courte, sert de séquence pré-générique. Elle prend moins de temps à installer son contexte que les autres, mais c’est ça qui la rend encore plus drôle et efficace, elle annonce parfaitement la couleur pour la suite.
- La seconde (Le Resto-Route), bien que très sympathique, se révèle clairement la moins percutante à mes yeux. Il s’agit en effet ici plus d’un simple « règlement de compte » que d’un réel pétage de câble. La réalisation est efficace encore une fois, mais on a un peu ce sentiment de « ah, c’est tout ? » à la fin. Il s’agit ici plutôt d’une sorte d’apéritif, si je puis dire…
- La troisième (La Crevaison) commence enfin à aller très fort et à plonger complétement dans l’acide et la démence irresponsable, jusqu’à atteindre l’absurde. C’est parfait, là on rigole franchement. D’autant plus que, contrairement aux précédentes histoires, il s’agit ici d’un contexte de base qui a pu nous arriver à tous (le connard qui ne veut jamais être dépassé sur la route et qui roule comme une merde). Les histoires commencent alors, comme expliqué plus haut, à devenir plus longues pour mieux installer l’ambiance et amener progressivement vers le jouissif primaire.
- La quatrième (L’Ingénieur) se révèle presque, bien que différente, du même niveau que la précédente. Encore une fois, il s’agit vraiment d’une situation qui nous parle car a parfaitement pu nous arriver à tous : la fameuse « journée de merde intégrale » sur fond de fourrière à bagnole, véritable gouffre à fric sur le qui-vive dès qu’il s’agit d’emmerder le monde. Les embouteillages, les amendes, l’entourage qui ne comprend pas, le divorce, le licenciement… Tout y passe, et sans vaseline, mais on commence déjà à rire tellement cette vision extrêmement mordante se révèle pourtant tout à fait plausible. Encore une fois, l’acte finale provoque presque l’érection tellement elle incarne le fantasme de beaucoup de gens. Le film est vraiment parti et ça envoie bien comme il faut.
- La cinquième (L’Accident), en revanche, est un peu à part. Bien sûr un pétage de câble sera montré, mais déjà le traitement est différent. Le contexte de base est en effet beaucoup plus grave, et c’est surtout dans cette histoire que l’aspect « dénonciation » et pouvoir des puissants est le plus appuyé. Le traitement de base est toujours acide et très drôle, et même la fin aussi, même si dans le fond elle est très glauque. Toujours excellente, mais un peu trop « à part », étant donné qu’ici, la satire évoqué débouche sur une issue très noire et ironique… Mais « logique ». On se dit que c’était, vu le contexte et les éléments présentés, l’issue la plus plausible. Alors que les autres histoires avaient pour elle, en plus de tout ça, suffisamment de folie pour atteindre l’absurde et provoquer une certaine surprise.
- La dernière (Le Mariage), clôturant le film, fait également partie des meilleures. Elle est également, dans un sens, probablement le bouquet final intégral tellement elle va loin dans la vacherie trash et fendarde. Elle pousse la folie ambiante très loin, ce qui fait que même la fin qui, dans l’absolu, était envisageable, devient alors la séquence finale parfaite pour l’ensemble du film. Ici, nous ne sommes pas dans la même cour des « règlements de comptes lors d’une fête » que celle de Festen, mais en tout cas c’est tout aussi corrosif et drôle, voire carrément déjanté. Le pied, quoi.
En bref, malgré quelques petites différences et/ou baisse de régime, le film tient carrément ses promesses de défouloir, même si il est évident que ce type d’humour ne plaira pas à tout le monde. La réalisation assure tout le long et dose parfaitement son rythme (réalisation léchée et efficace, montage dynamique). La musique reste utilisée très habilement et les acteurs ont tous l’air de se faire plaisir comme pas permis. La bonne humeur et le jouissif sont de mise, alors que dire de plus ? Le genre de film à sketch homogène que l’on aimerait voir plus souvent. Le genre de comédie/humour que l’on aimerait voir plus souvent.