Gaité le facteur...
Révélé à Cannes en 1979 avec « Sibériade », Andrei Kontchalovski se démarque pendant toute sa carrière, comme un cinéaste scrupuleux et loyal. De son parcours atypique, il a fui l’URSS avec son frère...
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Ce film prouve que dans le paysage cinématographique plutôt riche de la Russie actuelle, il faut encore compter avec le vétéran Kontchalovski. Même s'il se fait plus discret, le cinéaste a encore de fort belles choses à nous proposer.
La preuve donc avec ces Nuits Blanches du facteur, sorti en 2014, pour lequel Kontchalovski reçut le Lion d'argent du meilleur réalisateur à Venise.
Par sa mise en scène et le choix d'acteurs non professionnels (les habitants du village tenant leur propre rôle), le film lorgne manifestement du côté du documentaire. Un documentaire sur un petit village au bord d'un lac, dans le Nord de la partie européenne de la Russie (oblast d'Arkhangelsk, pour être précis). Les cadrages se plaisent à placer l'homme au sein d'une nature superbe et imposante ; un homme non pas écrasé par cette nature, mais en harmonie avec elle. Une impression de sérénité se dégage de cette ensemble, aidée par un rythme calme et volontiers contemplatif. Pas un mot plus haut que l'autre, des petites maisons de bois qui se fondent dans le décor naturel, l'apaisement d'un lac dont les eaux sont à peine troublée par le bateau du facteur, pas de stress. Nous sommes ici comme coupé du monde, et coupé du temps. Peu de détails rappellent que nous sommes dans la modernité (bateau à moteur, hélicoptère, télévision), et ces détails sont constamment relégués au second plan. La modernité, c'est ailleurs, loin, là-bas. Elle semble presque avoir contourné le village. Dès que le personnage principal, Liocha, va dans la ville voisine, on découvre une cité moderne, avec ses immeubles en verre et ses centres commerciaux. Un monde froid : le choix des couleurs et des cadrages qui excluent toute présence naturelle renforcent encore cette opposition entre le village et le monde moderne.
Cependant l'apparente simplicité de sa narration, qui semble s'aligner sur la simplicité de la vie de ces personnages, ne doit pas masquer le fait que Les Nuits Blanches du Facteur possède une réalisation parfaitement calibrée et maîtrisée. La preuve en est cette façon subtile qu'a le fantastique d'intégrer petit à petit l'espace du film. Ce sont des petites touches discordantes qui créent comme des glissements dans la réalité, comme des fissures qui laissent s'infiltrer une certaine angoisse. C'est la présence mystérieuse et énigmatique d'un chat, qui apparaît et disparaît d'un coup. C'est cette promenade au fil de l'eau à la recherche d'une sorcière aquatique.
Cette angoisse sera d'autant plus prégnante qu'elle restera au second plan, jamais clairement exprimée. C'est comme quelque chose que l'on aperçoit du coin de l’œil sans pouvoir en définir la forme et la nature exactes. Mais elle empêchera le film d'être un simple tableau bucolique.
C'est finalement avec beaucoup de subtilité que Kontchalovski dresse un portrait de ce village et, partant de là, de la Russie en elle-même. Il y a une belle confiance en l'homme, dans un contexte qui pourtant paraît comme peu joyeux.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Rêveries du cinéphile solitaire (2018) et Films russes et soviétiques (vus ou revus depuis 2017)
Créée
le 12 juil. 2018
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