Petite remarque en préambule sur la traduction française des titres, particulièrement stupide sur ce film : l’adjectif « persanes » ayant pour vocation un petit exotisme marketing assez ridicule(qu’on retrouve aussi cette semaine dans Rendez-vous à Tokyo), visant à circonscrire une intrigue à un lieu alors qu’elle pourrait avoir une prétention bien plus universelle.

Car Subtraction doté d’un titre original apparemment en anglais, c’est bien le thriller qui prime, avec une belle idée de départ, où un couple prend conscience de l’existence d’un sosie du leur, vivant dans la même ville. L’atmosphère fantastique, jamais excessive, s’installe avec maîtrise dès l’ouverture, un plan séquence alignant des voitures sous la pluie, à l’intérieur desquelles on ne distingue jamais complétement les visages et se poursuivra dans cette très belle cage d’escalier dont la minuterie s’éteint trop vite, doublée d’un travail sur le son qui confère au lieu un vrombissement anxiogène. Dans une ville saturée, souvent filmée de nuit, les longues focales isolent des visages qui craignent de distinguer, dans la profondeur de champ, un visage si familier qu’il n’a pas le droit d’être vu ailleurs que dans un miroir.


Passés les malentendus coutumiers du départ, supposant cachotteries et infidélités, l’intérêt réel de la situation provient du moment d’après la stupéfaction, où il faudra composer avec cet état de fait. C’est là que le récit se déploie véritablement, dans une fascination rapidement malsaine, où l’on traque chez le double ce qui le différenciera de soi(un enfant, une aisance matérielle, une attitude, une sérénité), et qui se transformera rapidement en objet de convoitise.

L’autre est donc un reflet de ce qu’on n’est plus (une femme autrefois souriante), ou de ce qu’on aurait pu être (un mari aimant et à l’écoute), pour une redistribution fantasmatique qui délaisse le fantastique pour investir un thriller conjugal plutôt habile. Mani Haghighi fait du clone masculin un archétype du patriarche iranien, ivre d’honneur et d’orgueil, dans une intrigue secondaire qui prendra une importance croissante, et exploite la question de la réputation (les voisins, le père, les collègues) comme un levier de tension supplémentaire. Le travail des comédiens s’en trouve évidemment particulièrement mis à l’honneur, Taraneh Alidoosti et Navid Mohammadzadeh (grandes stars du cinéma iranien) parvenant à composer deux caractères très différents, et jouer sur les différentes versions d’une même personne.

L’atmosphère cauchemardesque se poursuit dans une permanence de la pluie et la descente dans les abîmes de la dépression de la première épouse, tandis que le coup de foudre entre son mari et le clone de sa femme s’enlise dans une illusion qu’on sait condamnée d’avance. Toute cette évolution fonctionne bien, car elle se concentre sur des enjeux psychologiques, et se tient par une mise en scène d’un intime suffocant, se dirigeant à vitesse croissante dans une impasse.

Encore faut-il emmener ses personnages à destination, ce qui va occasionner de multiples développements à l’efficacité décroissante. La tentative de suicide de la première épouse, se considérant comme l’erreur sur l’échiquier, pouvait constituer une conclusion, qui sera en réalité suivie de plusieurs autres, jusqu’aux lisières du grotesque.

On comprend qu’il s’agit avant tout de faire le procès d’un état des lieux - à savoir, la résolution par la violence et l’effacement, qui fait tristement écho à l’actualité iranienne, mais il est regrettable qu’on abandonne y abandonne l’épaisseur et l’incarnation de personnages auxquels on croyait jusqu’alors.

Sergent_Pepper
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le 7 août 2023

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