Il est fascinant de constater la vitesse avec laquelle l'opprimé, que l'on vient de libérer, affirme sa toute nouvelle supériorité, dont il jouit avec délice, quand son occupant est mis à genoux. En une seule scène, inaugurale, Martin Zandvliet dépeint toute la détestation danoise pour son cousin germain, peuple dépossédé de son pays après seulement deux heures d'une résistance symbolique, avant une capitulation prudente dans l'espoir d'un accord avantageux. Les coups qui pleuvent sur ce pauvre prisonnier allemand sont l'expression de ces quatre années de rancoeur et d'impuissance. Ce sont les coups qui n'ont pas pu être donnés lors des premières heures de l'invasion.


Cette haine est hurlée, aveugle, sourde, pour un drapeau que le sergent Carl Rasmussen n'a pas pu défendre. Les victimes, elles, n'ont pour seule arme que des gueules d'ange, à peine sorties de l'adolescence, qui n'ont fait la guerre que depuis quelques mois, sans doute, au sein d'une armée déjà en déroute et clairsemée.


Les Oubliés ne parle, finalement, que de cette jeunesse sacrifiée et bouc-émissaire, presque totalement étrangère au conflit, qui paie pour les péchés de son père et de son grand frère qui ont pris les armes, fanatisés par un tyran à la folie meurtrière. Une jeunesse qui paie au centuple en subissant les brimades et les humiliations. Une jeunesse qui, si elle a été jugée assez grande pour faire la guerre, a tout naturellement l'âge de faire le ménage.


Celui des côtes danoises, sereines et calmes, qui semblent perpétuellement embrassées par un soleil froid et souverain. Drôle de décor pour un film sur la Seconde Guerre Mondiale qui en dessine l'après, dans sa folie et sa rage qui s'étend comme une tâche d'encre sur du papier qui l'absorbe.


Certes, pas mal de figures, de caractères et de situations fleurent bon le déjà vu. Mais Les Oubliés parvient cependant à susciter l'empathie vis-à-vis de ces jeunes allemands qui ne valent guère plus, pour certains danois et les anglais, que de la vulgaire chair à canon. Le film réussit à faire évoluer les relations entre "l'unité" et son sergent, entre autorité, violence, et ce qui pourrait être assimilé à une certaine forme de compassion de la part de ce militaire taiseux, ni salaud ni héros.


Mais ce que Les Oubliés réussit le plus à faire passer, c'est cette certaine résignation, de la part de ces enfants. Car oui, ce sont des enfants, qui s'évadent par instant, le temps de la capture d'un scarabée ou d'une souris, le temps d'un quartier libre offert. Dont le travail est rythmé par le ressac de l'océan, dont les mains s'enfoncent dans le sable avec angoisse, puis avec habitude, vers une possible mort violente. Ce sont de brèves explosions d'horreur, quand les mutilations sont filmées de manière frontale, quand quelques jeunes héros hurlent de douleur et pleurent dans un râle insoutenable en appelant Maman, en souhaitant retourner au pays, loin de cette cruauté danoise qui rythme leur quotidien.


Le spectateur s'attachera sans difficulté à cette jeunesse exploitée et meurtrie, tant par leur nation d'origine que par celle qui les exploite et les déteste. Une jeunesse donnée en sacrifice mise en scène sans larme facile, filmée de manière parfois bouleversante et pudique. Pour se rappeler que l'horreur ne s'est pas terminée sur la simple signature de chiffons de papier.


Behind_the_Mask, qui dessinait sur le sable et a crié "A-mine", pour qu'il revienne.

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le 24 mars 2017

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