The Gypsy Moths serait le premier film à avoir mis en boîte avec autant de moyens la pratique de la chute libre; le grand-père de Drop Zone ou Point Break en somme. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ça a de la gueule à l'image mine de rien. Certes, pour les plans rapprochés, le travail d'incrustation se remarque, mais lors des vues aériennes plus larges, c'est bluffant de réalisme. Et pour cause, c'est tourné dans les airs, avec des caméras placées sur les casques des parachutistes qui bricolaient leurs petites gopro persos à la fin des années '60, sous la houlette d'un John Frankenheimer bien décidé à ne pas faire les choses à moitié. Le bougre est même allé jusqu'à se jouer de ses figurants, en jetant un mannequin de l'avion d'où les parachutistes sautaient, pour simuler un accident et filmer ainsi leurs mines déconfites au moment où le pauvre bonhomme en paille s'est fracassé sur le sol : un sacré farceur le père John :mrgreen:


Même si la prouesse technique qu'il déploie vaut à elle seule le coup d'oeil — oui, on a fait mieux depuis, et oui, aujourd'hui les studios FX font ça très bien, mais pour le geste, en contextualisant l'époque c'est pas rien —, il y a d'autres raisons de se laisser tenter par Les Gipsy Moths.

A commencer par les retrouvailles sous la couette, 15 ans après Tant qu'il y aura des hommes, de Burt Lancaster et Deborah Kerr, à l'occasion d'une scène tout de même assez grivoise qui m'a fait rougir.

Vient ensuite la présence d'un Gene Hackman au top de sa forme qui joue le leader un peu grande gueule de ces fous des airs bien décidés à en mettre plein la vue à leur public.

Enfin, cette authenticité qui habite la bobine et qui doit beaucoup au choix de Frankenheimer de tourner sur site la plupart des scènes, en plein Kansas, fait également la différence.


Cerise sur le gâteau, la petite histoire qui sert de prétexte à l'exercice technique n'est pas en reste. Qu'il s'agisse du trauma finement amené du "Kid" de la bande, du cynisme morbide caractérisant le personnage joué par Burt Lancaster, ou encore de la dissection d'un couple qui sera jugé comme peu orthodoxe par beaucoup, surtout en 69, et qui prend les trait d'une Deborah Kerr torturée, The Gypsy Moths est un film qui parvient à dépasser sa promesse d'être un simple film d'aventure aérienne. Ces parachutistes dont le titre français nous vante l'arrivée sont bien plus que des fous volants un peu tarés. Les deux journées qui précèdent leur numéro écrivent gentiment leur histoire, sans trop en faire, mais sans oublier non plus de jouer sur la corde fine des sentiments.


Pour ne pas trop survendre la bête, je préfère préciser qu'on est en présence d'un film qui ne fait pas dans l'esbroufe. La partie technique et aérienne est clairement le fruit d'un travail dingue (1300 sauts, effectués par des amateurs chevronnés et plein d'autres détails à découvrir dans le making off The Sky Divers dispo sur Youtube (15 min), mais elle est soutenue par un sous-texte plus nostalgique contrastant beaucoup avec l'énergie des sauts, qui pourrait ennuyer ceux qui auraient lancé le film uniquement pour le spectacle.


Pour ma part, et même si j'ai trouvé certains acteurs un peu en retrait — il faut dire que jouer d'égal à égal avec Lancaster, Kerr et Hackman, faut y aller —, je me suis laissé surprendre par un film plus profond que ce que j'étais venu chercher.

oso
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le 2 août 2022

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