Humphrey Bogart et Lauren Bacall, le retour du couple le plus mythique du film noir dans Les Passagers de la nuit, placé sous le signe de la seconde chance. Mais que peut-on réellement espérer lorsque le sort s’acharne ?


Tout commence par une évasion, celle de Vincent Parry, condamné après avoir été accusé d’avoir assassiné sa femme. Une chasse à l’homme démarre, et nous suivons cet homme qui cherche à s’échapper. Un homme dont nous ne connaissons pas le visage, puisque tout est filmé à la première personne. C’est la spécificité des Passagers de la nuit, avec l’adoption de ce point de vue original qui crée une véritable sensation d’immersion, au-delà de servir l’intérêt du scénario, puisque la finalité est que l’évadé change radicalement d’apparence pour qu’il puisse retrouver une vie normale et mener sa propre enquête. L’homme, acculé, montre vite des signes tendant à confirmer son innocence. Son « vrai » visage est désormais associé à celui d’un tueur, mais est-ce que changer d’apparence peut réellement changer ce que nous sommes réellement ?


Il va sans dire que cette première partie du film, qui en représente quasiment la moitié, est une véritable curiosité. Voir cette caméra évoluer dans le décor, avec des bras qui déplacent les objets, des personnages qui regardent directement dans l’objectif, ce sont des choses relativement inhabituelles. Le spectateur d’aujourd’hui serait d’ailleurs tenté d’y reconnaître une manière de filmer et de décrire un point de vue à la manière d’un jeu vidéo. Les Passagers de la nuit cueille d’emblée le spectateur avec ce choix de filmer à la première personne, avant de revenir à un format bien plus classique, que ce soit sur la forme et le fond. En effet, lorsque la transformation est terminée, le subterfuge s’envole également. Faire languir le spectateur pendant trois quart d’heure avant d’enfin voir le légendaire Bogart était malin et même taquin, mais cela ne pouvait durer éternellement.


Une courte période de transition a lieu entre l’apparition du « nouveau » Parry, couvert de bandages, incapable de communiquer avec l’extérieur autrement qu’avec des regards ou des gestes peu exigeants, ramenant à la communication par le geste, rappelant les fondations du cinéma muet, qui resurgissent également, notamment, dans une scène de rêve. C’est l’idée d’un homme qui ne peut que se taire et qu’on ne laisse pas parler, car il a été jugé et qu’il en est ainsi, tout simplement. La suite, elle, suivra un chemin bien plus balisé. Chantage, incapacité à fuir le destin, paranoïa, mensonges… Les Passagers de la nuit suit tous les codes du film noir à la lettre, et peut-être, même, un peu trop. Les personnages se retrouvent ainsi affublés d’un rôle très fonctionnel, les enfermant dans une case qui permet d’élaborer le parfait tableau du film noir, et de faire progresser le scénario, quitte à le faire, parfois, de manière très opportuniste et facile.


Les Passagers de la nuit n’hésite pas à mener la vie dure à son personnage principal, qui ne bénéficie d’aucun répit, condamné par un mensonge, et ne pouvant faire éclore la vérité sans mettre sa propre vie en danger. Tout ce qui fait la spécificité et le charme du film noir se retrouve dans le film de Delmer Daves, mais cela manque d’originalité et de panache. Nous nous retrouvons face à un film manquant d’équilibre, avec cette première partie surprenante et novatrice, aboutissant, finalement, sur quelque chose de bien plus convenu et, parfois, un peu trop facile. L’alchimie du couple mythique Bacall/Bogart, qui concrétisera d’ailleurs ici son union, contribue à donner un certain cachet au film, qui laisse sur un sentiment d’inachevé.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

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le 28 nov. 2020

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