S'il y a bien une directive qui réunit tous les créateurs en animation c'est celle qui consiste à repousser toujours plus loin les limites techniques. Dans ce climat concurrentiel, il est réjouissant de voir que le studio Aardman, sans renoncer bêtement à l'innovation — le film est en 3D, pas très utile il est vrai — parvient à plier le progrès à son identité et non pas renier son identité pour céder aux sirènes du progrès (bonjour Pixar !). Si le principal élément d'identification est esthétique, ne nous le cachons pas, on remarquera tout de même cette facilité déconcertante et caractéristique à créer, à partir de clichés, un univers qui sait les dépasser, les transcender en s'employant sans peine à retourner les lieux communs, à détruire les acquis, n'hésitant pas à utiliser le second plan, au risque de laisser le spectateur inattentif sur la touche — peu importe, Aardman n'a jamais été fait pour lui. On pense bien sûr, au passage obligé de la scène triste, avec un héros en proie au doute, ici complètement tournée en dérision par la chanson "I'm not crying" en fond, d'apparence triste si on ne prête pas attention aux paroles qui révèlent la supercherie.
Et tout le film est dans cette vague, décontracté et cultivé, car son génie comique vient autant de sa connaissance des vieilles ficelles que de son aisance incommensurable à les réinterpréter, renouvelant à chaque minute le plaisir de voir s'agiter cette pâte à modeler, qui bien que plus lissée qu'à ses débuts, n'a rien perdu de son esprit et de son charme.