Un humanisme brisé déchirant qui na d'égale que l'amertume affichée



  • Sebastian jure-moi devant Dieu que rien n'empêchera ta vengeance, même si tu devais tuer celle qui nous a donnés le jour et dont nous portons le nom.

  • Isabella...

  • Jure-le Sebastian !



Les pistoleros de l'avé Maria également intitulé Le Dernier des salauds est une coproduction italo-espagnole ambitieuse réalisée par Ferdinando Baldi qui propose un western spaghetti dramatiquement supérieur à la moyenne. Le film présente un récit riche en caractère tragique, à travers une histoire de vengeance au multiple niveau de lecture, qui se permet une réflexion osée sur la filiation et le conditionnement humain. Radical et amer dans le sujet sans concessions qu'il entreprend, le cinéaste dépeint un univers violent et désenchanté qui se plaît à opposer l'action au dramatisme. Un humanisme brisé déchirant qui na d'égale que l'amertume affichée. Seulement, les amateurs du genre n'apprécieront que moyennement le manque d'audace des séquences d'actions, qui sont bien trop sages et peu représentés. C'est un gâchis regrettable au vu de la substance considérable de cette oeuvre, qui pose intelligemment une romance contaminée de trahisons passionnelles, qui allié à une action du même calibre aurait pu devenir un grend western.


La réalisation de Ferdinando Baldi est d'une élégance étonnante, au style visuel fourmillant de petits détails imprégné d'influences parfaitement digérés par l'excellente direction artistique qui peut compter sur de superbes décors pour appuyer le tout. Le cinéaste livre un efficace travail de mise en scène et d'atmosphère, et non la série B westernienne qu'on attendait. Les découpages, les enchaînements de plans, les choix de cadrages, de lumières et de couleurs, Ferdinando Baldi transcende son petit budget. Nombre de séquences viennent régaler nos yeux comme durant le superbe chapitre final autour du feu, le flashback révélateur rondement mené, ou encore les scènes de danse magnifiquement mise en scène. La composition musicale est grandiose ! Au cours du visionnage j'étais persuadé d'avoir à faire à Ennio Moriccone en personne, tant la musique orchestrale employée fut frissonnante. Quelle fut ma surprise de découvrir que celle-ci fut composée par un certain Roberto Pregadio. En plus de livrer une partition lyrique impressionnante et mélancolique, Pregadio parvient à magnifier en arrière-plan les diverses séquences. Une musique contribuant à créer une atmosphère palpable et à enrichir l'ensemble des émotions véhiculé par les personnages.


Voici la fameuse musique : https://www.youtube.com/watch?v=Iadf278VQe8


Des personnages profondément hantés, dans une progression dramatique, par la tragédie dont ils sont affublés. Le comédien Leonard Mann incarne avec froideur (émotion volontairement voulu) "Sebastian", personnage principal énigmatique et profondément traumatisé. Il est hanté par des souvenirs imprécis profondément ancrés dans son subconscient, déclenché par des éléments extérieurs comme le son de cloche d'une église. Peu expressif et démonstratif, le personnage s'avère tout de même intéressant, trouvant son originalité à côté de son ami d'enfance retrouvé : "Rafael". Pietro Martellanza incarne Rafael l'autre protagoniste principal. Il est de loin le personnage le plus captivant, ayant survécu au pire après une violente altercation durant laquelle le bougre se fera castrer. Rendu impuissant celui-ci boit au point de s'écrouler afin de combler son impossibilité à pouvoir coucher avec les femmes. À travers le corps meurtri de Rafael est présenté une violence inouïe faisant écho à ce monde hostile. Le duo que forment les deux comédiens est solide.


La comédienne Pilar Velázquez sous les traits d'Isabella, soeur de Sebastian, livre une performance efficace, en tant que jeune femme émotivement desséchée et fermée à toute émotion positive, elle amène encore plus de dureté au récit. La superbe actrice Luciana Paluzzi joue habilement Anna Carasco, mère de Sebastian et d'Isabella, profondément meurtrie par le remords à cause d'un acte impardonnable dont elle est à l'origine et qui lui confère un sentiment de honte et d'impuissance. Sebastian, Rafael, Isabella et Anna sont unis à différents niveaux par "un évènement" tragique extrêmement éprouvant de leur vie, se retrouvant tous traumatisés à des échelles différentes : Sebastian atteint psychologiquement, Rafael physiquement, Isabella par une fermeture émotive et affective, et Anna à travers le remords. Tout ceci confère une vision qui altère et brouille l'atmosphère de ce western par la perception paranoïaque du traumatisme psychique des personnages. Enfin, Alberto de Mendoza dans le rôle de Tomas l'antagoniste présumé, possède une bonne gueule de méchant même s'il est à regretter un manque d'ambition au niveau du danger qu'il est censé représenter.


CONCLUSION :


Les pistoleros de l'avé Maria est un western que je recommande pour sa proposition particulière autour de sa thématique basée sur une tragédie familiale et du trauma psychologique des personnages. Techniquement bien fournis, pouvant compter sur un esthétisme détaillé dont une excellente musique amenant une véritable atmosphère, il est seulement à regretter un manque de grandeur et d'ambition dans les séquences d'actions qui sont malheureusement sacrifiés au nom de l'intrigue.


Les tragédies révèlent les bons westerns.

B_Jérémy
7
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le 3 janv. 2021

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