Nous marchons sur les plages d’Agnès au gré des vagues et des souvenirs qu’elles apportent puis reprennent. Des miroirs sur le sable où tout semble converger vers deux points intimement conjoints : la mer et Varda. Le film capte la mémoire comme des flux d’images, de textures et de voix qu’une narration habille par sa sensibilité si particulière. Acte de générosité suprême, Les Plages d’Agnès bâtit une vaste maison dépourvue de murs où ventile le cinéma par toutes les ouvertures : du sentiment à l’anecdote, des extraits filmiques aux remises en scène, la cinéaste donne vie à ses souvenirs tout en rappelant l’essence-même du cinéma, à savoir le bricolage de passionnés qui, avant de l’être, sont des hommes et des femmes. Il est salutaire de se replonger dans cette œuvre à l’heure où pullulent sur les écrans les superproductions numériques terriblement impersonnelles : car le divertissement c’est avant tout un jeu acheté dans les brocantes, une croyance collective autour d’un art trompeur mais tellement vrai. C’est un temps passé ensemble dont les photographies témoignent ou rappellent à l’esprit, dans cette conviction magnifique que moins fait plus, que la suggestion constitue le meilleur matériau de la grandeur artistique. On suit Les Plages d’Agnès comme un testament cinématographique fait de mille découvertes et, surtout, de mille possibles.