Les Poupées du diable par Mickaël Barbato
Un mariage parfait entre mélo et fantastique que cette histoire d'un prisonnier, Paul, mis au trou à la place de ses 3 comparses qui ne s'étaient pas gênés pour le balancer dix-sept ans auparavant. Echapé de prison, il est accompagné par son compagnon de cellule qui se trouve être un savant fou qui avait jadis, avec sa femme, trouvé le moyen de rapetisser les gens, dans un but salutaire pour l'humanité d'après lui (ce qui est petit consomme moins). Mais ce taré décède et la veuve décide de continuer le projet fou... ce qui arrange bien Paul qui va profiter de l'occasion pour assurer sa vengeance et rétablir l'honneur de son nom.
Une histoire qui évite donc de tomber dans l'épouvante pour se concentrer sur la vengeance de Paul, et surtout sur sa réhabilitation auprès de sa fille. L'acteur, Lionel Barrymore (qu'il était bon dans La vie est belle de Capra) y est formidable, dans un rôle, la moitié du temps, de travesti, Paul utilisant le déguisement d'une vieille dame pour passer inaperçu. Très vite, on comprend que Browning n'a d'yeux que pour ce côté de l'histoire : le père qui rencontre moult fois sa fille sans pour autant pouvoir se dévoiler, comme dans cette scène, fortement chargée en émotion, où Paul rend visite à sa mère, tandis que sa fille arrive. Trois générations sous le même toit, ce qui devrait être beau est teinté d'une tristesse énorme, la fille jugeant son père responsable de tous les maux.
La vengeance se fait alors pressante, même pour le spectateur, et c'est alors que le plan diabolique se met en marche. Paul se sert de la veuve folle pour rapetisser le premier coupable. Une fois ainsi "liliputianisé", le cerveau lui aussi diminue, ce qui a pour effet de rendre ces poupées humaines contrôlables par l'esprit de son créateur. Le film devient alors fantastique, dans des séquences qui, pour un film de 1936, étaient stupéfiantes. Savant mélange entre plans moyens avec décors à échelle et plans d'ensemble en superposition, le résultat est fascinant et très équilibré, jamais choquant pour la rétine, un travail monstrueux !
D'ailleurs, c'est toute la réalisation qui est à féliciter. Browning fut visiblement marqué par l'expressionnisme allemand, mais pour autant il ne le singe jamais. Non, il l'assimile et compose avec, il l'a digéré pour donner des plans jouant sur les perspectives, tout en restant plutôt réalistes.
Au final, il restera un grand moment de cinéma, un film fantastique mêlant avec brio toutes sortes de sentiments, et un personnage, Paul, qui reste gravé dans la mémoire instantanément.
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