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D'abord il y a le décor.
Bouli Lanners pour son 4e film a planté sa caméra en Beauce aux abords de la ligne de l'aérotrain et de son étrange muret de béton, entre Orléans et Paris. Mais aucun lieu n'est nommé, il s'agit avant tout d'un no man's land. En quelques plans magnifiques d'horizons bas, de lignes de fuite et de ciels immenses (proches de la peinture qui fut celle du réalisateur apprend on en écoutant la promo) on pressent que ce décor ne sera pas celui d'une opérette. Les habitués du cinéma de Bouli Lanners ne seront pas perdus. On retrouve ce goût des espaces, des personnages en marge, on retrouve aussi les couleurs froides et désaturées d'Eldorado.
Ici les gens ne s'amusent pas. Gilou (Lanners lui-même) et Cochise (Dupontel, aussi sobre que juste) chasseurs de primes, sont à la recherche d'un téléphone aux données sensibles.
Les grands espaces, Cochise, un trésor qui passe de poche en poche, on est bien dans un western, plutôt du genre apocalyptique.
Mais on n'a rien dit du film si l'on n'a pas dit que ce téléphone n'est qu'un accessoire que l'on pourrait aussi bien jeter à terre comme la montre de Peter Fonda au début d'Easy Rider.
Les premiers Les derniers, c'est l'histoire d' Esther et Willy, couple qui avance caché pour aller voir avant la fin du monde la fille qu'Esther a eu jadis et dont elle a perdu la garde et la trace. C'est l'histoire d'hommes et de femmes qui se rencontrent et se font peur parce que la défiance est de mise. Cochise fait peur à Clara alors qu'il vient lui rendre service. Gilou effraie Esther et ne réussira à la calmer que par l'entremise de son chien Gibus, même Jésus fait peur à Willy. Cette peur de l'autre c'est celle d'une société à l'agonie où chacun joue sa partie, mâchoires serrées.
Mais c'est bien connu, les cow-boys ne dorment que d'un œil, flingue sous l'oreiller.
Seulement voilà, Bouli Lanners est un optimiste et ne peut se résoudre à ne filmer que des rencontres manquées, Une fois la peur passée Clara accueillera Cochise dans sa maison, Esther acceptera de se laisser porter par Gilou et Jésus (oui Jésus!) réussira à mettre Willy sur le chemin d'Esther. HATE, LOVE, on entendrait presque le révérend Harry Powell chanter (en réalité on attend Bertrand Cantat chanter!).
Pourtant ce Jésus est sacrément louche, l'église est vide et les oraisons funèbres sont prononcées par des pépés biscornus (Max Von Sydow et Michaël Lonsdale dans le même plan, c'est une synthèse d'encyclopédie du cinéma des 50 dernières années !) et le discours du film n'a rien d'un prêchi-prêcha. Lanners place son film dans la lignée des westerns crépusculaires, on pense au Clint Eastwood d'Impitoyable dans la trajectoire du repentir autant que dans le traitement des paysages et des ciels en particulier, si grands qu'ils écrasent les personnages.
Gilou est plus fragile que filou, après un accident cardiaque, il met tout en œuvre pour offrir une sépulture à un cadavre en phase de momification. Cette humanité-là (la même qui tenait Saul en vie dans le récent chef d'oeuvre de Nemetz) est coriace, malmenée mais encore vivace.
Bouli Lanners réussit un très beau film de genre qui parle de notre époque avec lucidité et espoir. « Parce que vivre ce n'est pas juste respirer » dit le personnage de Michael Lonsdale
Plus que jamais voir un film de Bouli Lanners, ce n'est pas juste aller au cinéma.

FxThuaud
8
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le 4 févr. 2016

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FxThuaud

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