Smells like keen spirit.
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Ouvrir son film par un yankee en perdition qui profite d’une gamine toute fière d’avoir bientôt 13 ans, en l’embrassant sur la bouche pour devenir son namoureux et se garantir un place salvatrice dans la résidence où elle demeure, c’est aussi osé qu’inattendu. Il y a fort à parier que telle image aurait bien du mal aujourd’hui à trouver le chemin des salles, et pourtant cette séquence furtive mais dérangeante annonce d’entrée de jeu la couleur des hostilités à venir.
A savoir un jeu malsain au sein duquel chaque pion posé sur l’échiquier tente d’avancer jusqu’à la dernière case sans éveiller les soupçons de ses adversaires. Chacun prenant, à tour de rôle, la place très convoitée du prédateur jouissant d’un contrôle absolu sur ses proies apeurées. Et si dans la première partie du film, la place est trustée par un Eastwood séducteur qui fait chavirer les cœurs, il s’en fait déloger à sa première incartade. Le fin stratège s’en mordra les doigts, sa faiblesse pour la chair trop fraiche ayant définitivement fait évoluer les sentiments amoureux de ses hôtesses en haine instable.
Avec la patience et l’assurance d’un bon joueur d’échec, Siegel met en place tout son petit monde sans se presser et dévoile les cartes qui caractérisent chacun de ses personnages avec parcimonie. Sa mise en scène, illuminée majoritairement par des éclairages naturels inquiétants, n’est qu’un trouble miroir construisant un jeu d’apparence dont la conclusion est aussi brutale qu’inattendue. Engager les hostilités par la main d’une innocente, et user à nouveau de cette dernière comme actrice de la sentence finale est un choix narratif particulièrement vicieux. Il n’en est pas moins efficace, bien au contraire, puisque c’est chamboulé, mais aussi amusé par ce retournement de situation malicieux, qu’on termine le film.
Les proies porte en lui la marque d’un cinéma révolu, caractérisé par une totale liberté d’expression et une tension sexuelle de chaque instant — Siegel s’amuse, en témoigne ce plan du fessier de la jeune Carole (que lui a emprunté Scorsese dans son Loup de Wall Street) —. Se mêlent dans le film de Siegel des thématiques très sensibles, mais elles s’inscrivent dans un script malin avec un humour noir saisissant. Il n’est en effet jamais question pour celui qui réalisera la même année le pétaradant Inspecteur Harry de jouer la carte du misérabilisme. C’est au moyen d’un humour acide qu’il déroule sa macabre symphonie dont les femmes sont les instruments. Sa troisième collaboration avec Clint Eastwood est l’occasion pour l’acteur d’user de son charme viril pour se construire un rôle de salopard un peu à contre emploi de ce qu’il avait l’habitude d’incarner jusqu’alors. Le résultat est sans appel, l’acteur prend un malin plaisir à jouer le don juan mal intentionné, son naturel est glaçant !
Dans ce bal musette sans lumière où les vieilles filles sortent les griffes, chaque composante trouve sa place pour délivrer une réflexion très cynique sur la nature humaine. Quand l’urgence de la situation l’impose, les femmes n’hésitent pas à sortir le manuel pour une petite session bricolage — quelle séquence, on grince des dents avec chaque protagoniste ! — et l’homme en détresse use de son charme, quitte à racoler si nécessaire. Une partie de menteur menteur diabolique et amusante, qui se conclut par le sang, dans un dernier acte désenchanté ôtant définitivement à cette relecture singulière de l’image même du prince charmant toute la féérie qui y est habituellement associée.
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Créée
le 21 sept. 2014
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