--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au douzième épisode de la quatrième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_2_King_Crocs/2478265
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---
Je déteste arriver en retard à la Cinémathèque. Plus que dans toute autre salle, on vous fait comprendre là-bas que votre retard est interprété comme un manque de respect pour le film. Et ce n’est pas parce que *Les Proies du Vampire* est un film de la grande lignée des séries Z des années 50 que je lui devrais moins de respect qu’à un autre. Je n’ai pas eu le choix cependant, et malheureusement je n’ai pas vu les premiers plans du film. J’étais surprise déjà qu’on me laisse entrer, mais peut-être ma nouvelle amie avait-elle donné des consignes. Elle m’avait réservé un siège à ses cotés, et c’est trônant toutes deux côte-à-côte au centre de la salle que nous avons découvert ce film.
Co-production française disposant fièrement de son propre doublage dans notre langue et en noir & blanc, le film m’a quand même rappelé par son énergie et sa passion les créations de la Hammer. Il me vient à l’esprit que pour la première fois je vis un mois monstre délibérément féministe. La comtesse Bathory s’y est déjà invité par deux fois, de toute sa force et de toute sa passion et elle a amené avec elle toute son armée de femme guerrières, chasseuses, intelligentes, indépendantes et surpassant bien souvent leurs partenaires en courage en agilité et en réflexion. Sans parler de réalisatrice femmes, tragiquement absentes de mon précédent mois-vampire, mais qui repeuplent doucement l’édition de cette année. Aujourd’hui encore, les femmes sont dignement représentées. Elles sont trois (sur 6 personnages principaux), vivant des trajectoires différentes et se recoupant joliment, chacune se débattant avec honneur avec leurs destinés, leurs désirs et leurs peurs. Chacune se bat pour ce en quoi elle croit : sa puissance vampirique pour l’une, sa foi pour une seconde, l’Eden de son enfance perdue pour la troisième. Les deux plus mûres ont fait leur choix de ne pas s’encombrer d’homme dans leur vie, la plus jeune quant à elle trouve dans l’amour le courage d’aller de l’avant, sans jamais se laisser dicter ni aveugler. Finalement, son homme est traité presque comme l’était les personnages féminins de mes précédents mois-monstre : un bellâtre un peu passif, mystérieux sans que ça n’ai d’influence profonde sur l’histoire, présent pour les scènes de romance et de légèreté, et s’effaçant pour laisser la place à sa mie dans les scènes-clés. Nous sommes en 1957. Je trouve ça remarquable.
Pour le reste, c’est un film de vampire tout ce qu’il y a de plus classique, imitant en moins bien ses illustres prédécesseurs de la Hammer et de Universal. Il alterne entre un humour à moitié pas fait exprès via un scénario un peu lourdaud et des effets spéciaux à couper le souffle… Ou pas. Avec délice je retrouve ma chauve-souris en plastique bien-aimé. Elle tient un rôle fort ce soir, s’agitant à la moindre occasion, se substituant par des fondus enchaînés du plus bel effet aux acteurs encapés, laissant parfois le plaisir au spectateur attentif de voir les fils qu’agite fièrement le marionnettiste. Une prestation remarquable.
Je me moque avec bienveillance, mais en réalité j’apprécie le film pour ce qu’il veut être, sans prétention d’en vouloir plus. Un hommage à ses prédécesseurs, une tentative chaleureuse de raconter une histoire gothique, simple et distrayante à un public qui l’aimera exactement pour ces raisons là. Là ou j’exécrai le film d’hier qui voulait se poser tout là-haut sur l’échelle de l’intellectualisation et qui n’en tombait que plus bas, j’accueille celui-ci qui s’est posé modestement sur le créneau du plaisir et du style. D’un commun accord, nos deux communautés à la fragile amitié naissante est allé s’installer dans la grande salle pour le final de cette déjà très belle soirée.