Où va Cronenberg ? Depuis Crash, le cinéaste semble s’affadir. Après un tel sommet cinématographique, il est sans doute plus difficile de prolonger un élan créatif si intense sans forcément redescendre à un moment ou un autre vers des œuvres moins accomplies (voir les exemples récents du INLAND EMPIRE de Lynch, après Mulholland Drive, d’Egoyan après De beaux lendemains ou d’Haneke après La pianiste, aujourd’hui astreint à mettre en scène le remake de son propre Funny games). Objectivement, ExistenZ et Spider, malgré leur qualité esthétique, n’ont pas la puissance évocatrice et expérimentale de Faux-semblants ou du Festin nu. A history of violence est plus accrocheur, mais en deçà des fulgurances allégoriques de ses œuvres antérieures. La volonté de renouveau thématique est louable en soi, mais depuis Spider, Cronenberg se perd dans des drames psychologiques terre à terre sans égal avec ses cauchemars prophétiques (Rage, Vidéodrome) ou ses opéras charnels (La mouche, Faux-semblants).

Les promesses de l’ombre, plus que le thriller annoncé sur la mafia russe, est un drame familial fade et dépourvu de réel enjeu. Il suggère plusieurs niveaux de lecture sans vouloir les affirmer complètement ni les considérer jusqu’à leur finalité significative, façon déloyale permettant à une critique aveuglée par le statut auteurisant de Cronenberg de s’engouffrer dans des interprétations diverses et faussement enthousiastes. Sa description du milieu mafieux russe reste superficielle, réduite au trafic d’alcool et au proxénétisme, l’usage du code des tatouages étant la seule vraie attention représentative (et vaguement métaphorique) de cet environnement malfaisant ; elle donne d’ailleurs lieu a une très belle et courte scène de séance de tatouage filmée comme un tableau religieux magnifié.

Concernant les relations entre les personnages, là aussi les multiples directions proposées et esquissées (le passé douloureux d’Anna, ses rapports avec son oncle, l’homosexualité inhibée de Kirill, la dualité de Nikolai…) finissent par neutraliser une quelconque portée expressive à la cohérence et à l’intéressement de l’ensemble. Cronenberg lui-même semble peu inspiré face au scénario inachevé de Steve Knight, filmant sans passion un enchaînement de scènes et de situations neutres. En conséquence, il se défoule dès qu’il dispose d’une brèche narrative lui permettant de revenir à un cinéma plus viscéral et plus conforme à son univers intérieur.

Évidence évidente quand se déploie majestueusement, dans toute sa brutalité frontale, l’hallucinant corps à corps meurtrier dans le sauna, parfaite séquence rythmique de sueur, de chair et de sang. Au regard de cet épisode acéré et sauvage, tout en violence sèche, l’impression d’un grand film épidermique raté, passé à côté d’une rigueur de récit, est patente. Cronenberg aurait dû appliquer à son film la fermeté émotionnelle et structurelle de cette scène, plutôt que de s’égarer dans un développement classique et ennuyeux où tout demeure à l’état d’ébauche et n’aboutit finalement qu’à une tragédie superflue de la filiation.
mymp
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le 23 sept. 2012

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