La Mongolie a du talent
Après la mort accidentelle de son père, un jeune garçon continue à sa façon sa lutte pour préserver sa terre de l'avidité des compagnies minières. La fièvre de l'or fait des ravages en Mongolie,...
le 7 mai 2020
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Si la Mongolie a souvent été placée comme le faire-valoir des dynasties chinoises, sur le plan historique, il possède un des rares blasons de l’immuabilité. Comme pour le Tibet, avant et après son annexion, ce sont les peuples nomades qui capitalisent les hauts plateaux et les steppes, vivant de l’agriculture et de la solidarité. Mais qu’en est-il lorsque tout cela n’est plus possible ? L’influence d’exploitants miniers conduit la réalisatrice Byambasuren Davaa (L'Histoire du chameau qui pleure, Le chien jaune de Mongolie, Les Deux chevaux de Gengis Khan) à se pencher sur la question, en admettant l’invasion intempestive de la cupidité, au cœur même d’un habitat qui prône des vertus ancestrales. « La Femme des steppes, le flic et l'œuf » pouvait montrer que de la beauté réside dans un paysage, où la vie et la mort cohabitent, de jour comme de nuit. Ici, il sera davantage question de ce qui déchire le portrait d’une nation, forcée à capituler dans la difficulté.
Pourtant, c’est un message d’espoir qui s’en dégage, pour la simple et bonne raison que l’avenir puise toute sa hargne dans la transmission. Ce n’est pas pour rien que l’on cadre à hauteur d’enfant, où les horizons prennent une autre dimension, parfois pour émerveiller, d’autres fois pour susciter l’étouffement. C’est dans l’urgence qu’une famille conteste des activités illicites, empoisonnant la terre et un milieu de vie qui n’est plus possible aujourd’hui. Les steppes se transforment en un champ de bataille, avec des dunes de terres retournées et piétinées, jusqu’à ce que les ressources s’épuisent et que l’écosystème local se fissure. La réalité est omniprésente, comme le sentiment que le documentaire n’est jamais très loin de la fiction. Et cette double lecture s’étend aux ambitions du jeune Amra (Bat-Ireedui Batmunkh), partagé entre les responsabilités de son père (Yalalt Namsrai) et son désir d’une vie moderne.
Là on l’on pourrait s’arrêter à l’opposition du monde urbain et la tradition, la cinéaste préfère évoquer une possible complicité entre les deux. Une des luttes populaires d’aujourd’hui nous ramène à questionner notre rapport à la nature et des richesses qui la composent. Lorsque certains en profitent pour la piller, d’autres parlent d’harmonie et d’unité avec cette dernière. La disparition du père entraîne ainsi toute une démarche de révolte chez Amra, prêt à tout pour investir le rôle du patriarche d’une communauté, qui semble avoir déjà troqués leur lopin de terre contre un certain confort de vie. À travers le quotidien de la mère (Enerel Tumen), il sera possible d’estimer la portée de ces revendications, elle qui jongle entre l’entretien de la cadette de la famille (Algirchamin Baatarsuren) et celui d’un terrain qui se transforme à vue d’œil.
Il restera un petit chant, simple et ancré dans une vérité qui traverse les générations, pour qu'Amra puisse prendre conscience de son héritage. « Les Racines du monde » (Die Adern der Welt) conte avec talent ce passage de flambeau, qui donne une voix à celles et ceux qui sont encore présents pour témoigner d’une telle détresse. La transition se veut aussi dure et brutale qu’un virage soudain vers un ravin, mais ce sera à la force de la mémoire et du respect pour chacun qu’il sera possible de progresser. Nul besoin d’autant de créatures mécaniques, alors que l’on peut encore dompter quelques alliés parmi la faune et la flore.
Créée
le 25 févr. 2022
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