Le film commence avec une voix douce et chaleureuse, dont la cadence et le souffle esquissent un récit auréolé de mystère. Comment l’ami d’Adam est-il mort ? Qui l’a tué ?
Une forêt humanisée, la nature déifiée.
« Hier je les ai vus encore. Les arbres bougeaient et y avait pas de vent. » (Rolland à Adam).
Le bois prend vie par le mélange des bruits naturellement audibles dans les bois avec des sons d’instruments à cordes. La mousse des arbres ne recouvre pas leur écorce mais une chair tuméfiée, meurtrie. La forêt est vivante. Plus que vivante, la nature finit par s’incarner dans ce qui s’apparente à un corps humain. Par ce procédé, le réalisateur donne des traits divins à cet arbre. Dieu s’incarne de la même manière dans un corps de chair et de sang.
Pour une nature unifiée.
Différents éléments du film évoquent l’imaginaire de la guerre : les talkies-walkies, le mirador, les armes. Le chasseur est une allégorie du rapport conflictuel qui existe entre les différentes sphères du vivant (ici les humains et la végétation). Le film ne cherche pas simplement à dénoncer la chasse en tant que pratique. Plus largement, il met en lumière la distance qu’il s’est créée, avec les années, entre l’Homme et la Nature. En la mal traitant, nous nous blessons nous-même. La forêt est l’un des habitats originels de l’être humain. Aujourd’hui, nous la délaissons, elle n’est plus notre maison. Nous détruisons notre propre foyer. La main tendue de l’hybride homme/arbre illustre l’harmonie souhaitable entre les humains, les animaux et les végétaux. Nous sommes la nature, et non pas contre elle.
Dans cette scène de bras tendus l’un vers l’autre, nous reconnaissons une image empruntée à Michel Ange. Il s’agit de la célère fresque de la Chapelle Sixtine, où Dieu et Adam se pointent mutuellement du doigt, pour ne faire qu’un. Dans le film, le protagoniste s’appelle Adam également, il incarne une allégorie de l’Homme. Tout cet imaginaire est à placer dans la filiation de la pensée du « Deus sive Natura » (en latin : « Dieu, c'est-à-dire la Nature »). Le film se positionne dans une veine spinoziste qui voit dans l’unité de l’Homme et Dieu (la Nature), une substance et non pas une dualité.
« Les racines sauvages » est un film sombre qui interroge la douleur que nous nous infligeons à nous-même en détruisant notre écosystème. Une réflexion très prometteuse.