Pas mal miné par le bide de Lèvres de Sang en 1975, Jean Rollin s'est tourné entre 1975 et 1978 presque définitivement et exclusivement vers la pornographie sous le pseudo de Michel Gentil. Pourtant il accepte en 1978 sous l'impulsion du producteur Claude Guedj de revenir à la mise en scène d'un film d'horreur avec Les Raisins de la Mort. Le producteur opportuniste souhaite surfer sur la vague des films de Romero et Fulci pour mettre en chantier rien de moins que le tout premier film de morts vivants français. Bien que peu enthousiaste à l'idée de réaliser un film de zombies (Rollin préfère largement les vampires) à forte orientation gore (Rollin préfère la suggestion et la poésie) le réalisateur accepte trop content de revenir à la mise en scène d'un film classique.
Jean Rollin détourne donc légèrement l'image du mort vivant pour mettre en scène des paysans malades, contaminés et rendus fous par un pesticide répandu sur des vignes ( a ce titre il est presque précurseurs des films d'infectés). Un propos presque écologiste avant l'heure pour une contamination par le pinard.
Film à part dans l’œuvre de Jean Rollin de par son aspect film de commande, Les Raisins de la Mort s'inscrit pourtant aisément dans la filmographie du réalisateur. On retrouve une nouvelle fois un rythme particulièrement lent, mais cette fois ci plutôt en décalage avec l'ambiance globale du film. Car si la lenteur un peu hypnotique convient assez bien aux univers oniriques et fantastiques des femmes vampires si chères au réalisateur, elle devient bien plus rébarbative pour une histoire de survie au milieu d'infectés. Moins présent qu'à l'habitude, Jean Rollin parvient tout de même à glisser une petite touche d'érotisme lorsque Brigitte Lahaie se met totalement nue histoire de monter à des paysans qui n'en perdent pas une miette qu'elle ne porte aucun marque d'infection. Pour le reste on retrouve des ruines comme décor et une direction d'acteurs des plus approximative renforcée ici par des dialogues souvent tellement idiots qu'ils en deviennent surréalistes.
J'accorderais sans hésiter une mention spéciale à Paul et Pierre , deux paysans inénarrables qui découvrent la nature de l'infection en rêvant d'une bière fraîche "Mais bon dieu on est pas infectés parce que l'on boit pas de vin", dissertent sur la résistance, les camps militaires et le nucléaire histoire de donner un peu de profondeur au récit ( Le film a été tourné près du Larzac) avant de se faire des grandes déclarations d'amitié ridicule en chantonnant autour d'une coupe de champagne. Encore une fois, et hormis le plaisir coupable qu'il procure, Les Raisins de la Colère ne brille pas vraiment par ses dialogues ni ses interprètes. Coté gore le film oscille entre le ridicule complet avec des maquillages façon tartine de latex purulente sur comédiens apathiques qui prêtent objectivement plus à sourire qu'à s'effrayer, le bis et le très réussi. On retiendra donc surtout une fourche enfoncée dans le poitrail dénudé d'une jeune fille, un mort avec un œil qui se fait la belle, une décapitation bien gore et la complaisance un peu crapoteuse à voir un infecté avec le front couvert de pustules dégueulasses donner des coups de tronche contre une voiture en laissant des traces verdâtres bien cradingues sur la vitre. Pour la petite histoire, Jean Rollin va échapper de très peu à une classification X par la censure de l'époque ce qui aurait été un comble pour un réalisateur ayant accepté ce projet justement pour ressortir un peu la tête du ghetto du cinéma X.
Les Raisins de la Mort est donc très bis, voir carrément Z et proche du navet par de nombreux aspects mais il demeure à la fois le premier films de zombies et peut être même le premier film authentiquement gore français. Le succès relatif du film permettra surtout à Jean Rollin de revenir dès l'année suivante à la mise en scène de films plus personnels avec des vampires et des filles à poil.