Nous avions laissé Jean Rollin en 1975, après l'échec cuisant de Lèvres de sang qui le forcera à tourner des pornos "alimentaires" pour la plupart sans âme (à quelques exceptions près, comme Phantasmes) ou même carrément insultants pour sa carrière (coucou Suce-moi vampire). Cependant, la situation ne semble pas s'arranger. Les films sont rentables mais personne ne lui donne sa chance pour filmer autre chose que des parties de jambes en l'air. En 1978, le miracle que l'on attendait plus arrive enfin : Claude Guedj et Jean-Marc Ghanassia viennent lui proposer un projet très ambitieux. En effet, la vague des films de zombies est un raz-de-marée aux Etats-Unis lancé par des Romero comme Zombie ou bien sûr le culte La nuit des morts-vivants. En France, personne ne s'y est encore mis, et Rollin a cette opportunité. Deuxième raison d'accepter : un budget d'un million de francs. Pour un film français cela reste dérisoire mais c'est très largement supérieur aux sommes avec lesquelles il avait travaillé jusqu'ici.
Alors, quelle gueule a le premier film de zombies français ? Tout d'abord, on remarque la patte de Rollin qui s'adapte à tous les genres : rythme lent, atmosphère fascinante (ici renforcée par la présence de Marie-Georges Pascal, égérie du cinéma érotique français qui mettra fin à ses jours peu de temps après), paysages magnifiques, en l'occurrence les montagnes embrumées des Cévennes, décors qui le sont tout autant, avec ces maisons en pierre au charme si rustique... Sans parler de la musique ! Composée par Philippe Sissmann, elle constitue un véritable atout pour le film. Uniquement constituée de claviers aux tonalités étranges, elle correspond parfaitement à l'ambiance angoissante des différentes scènes du film, notamment lorsque Elisabeth court désespérée à travers les bois pour finalement arriver dans une maison où le père de famille est atteint d'un mal mystérieux.
Sans le savoir, Rollin s'est encore une fois démarqué, car même les personnages des zombies sont fascinants (pourtant y'a rien de plus con qu'un mort-vivant...). Ici, les infectés ont des phases de conscience où il réalisent le mal qu'ils font, et demandent à se faire tuer. Puis, d'un seul coup, la maladie les reprend et les massacres s'ensuivent. Elisabeth, complètement perdue, ne sachant plus à quel saint se vouer, se réfugie chez une grande femme blonde qui lui dit être une employée du Maire. Malgré son attitude quelque peu distante, son corps ne présente aucune marque de contamination, aussi notre pauvre Elisabeth lui fait confiance. Mal lui en a pris. L'actrice derrière ce personnage très énigmatique n'est autre que... BRIGITTE LAHAIE ! Car oui, je ne l'avais pas dit plus tôt mais Les raisins de la mort a aussi une certaine valeur anecdotique : il s'agît du premier film "traditionnel" de la miss Lahaie. Au lieu de tailler des pipes elle se bat contre deux paysans épargnés par la malédiction, et elle le fait tout aussi bien.
Les raisins de la mort, c'est aussi un film engagé politiquement. Malgré un discours un peu foireux sur le fascisme, Rollin fait passer son message écologiste à travers les personnages de Paul et Pierre. En résumé, c'est un film très réussi et désormais culte chez les amateurs d'horreur française, en dépit du fait que certains le qualifient de nanar. Le film sera un succès relatif pour Jean Rollin, ce qui lui permettra de réaliser à nouveau des films fantastiques... suite au prochain épisode !