Aussi attachant que cabossé, ce premier long-métrage de Haroun Tazieff est une pépite documentaire qu'on croirait extraite avec difficulté des pentes graveleuses remplies de scories d'un volcan. La seule copie disponible aujourd'hui est une version de 45 minutes (l'originale est censée en durer 80) doublée en italien, avec pas mal de bouts de pellicules abîmés, tant au niveau du son que de l'image. Mais peu importe, quand on aime ce genre de voyage : c'est parti pour un tour d'horizon des connaissances en volcanologie à la fin des années 50, en passant par l'Europe, l'Indonésie, l'Afrique, et l'Amérique du Sud. L'objectif est souvent le même : s'approcher aussi près que possible des cratères et des éruptions, un peu comme Katia et Maurice Krafft, tel qu'en parlait Herzog récemment dans Au cœur des volcans.
À titre personnel il faut toujours que je fasse abstraction de Desproges et de ses "Trous Fumants", une intervention radio dans laquelle il se moquait gentiment du volcanologue et le comparait au Cousteau du dramatique Monde du silence — ce dernier, sorti en 1956, aurait d'ailleurs inspiré Tazieff pour son film.
On visite ainsi le Sakurajima et l'Aso-San au Japon, le Taal aux Philippines, l'Anak Krakatoa, le Sumbing et le Mérapi en Indonésie, l'Izalco au Salvador, le Stromboli et l'Etna en Italie, et enfin le Faïal au Portugal. Parti en exploration aux quatre coins du monde avec Pierre Bichet, peintre et accessoirement spéléologue, il sillonna la planète entre 1955 et 1957 et monta les images collectées un peu partout pour créer Les Rendez-vous du Diable. Le résultat est une collection de séquences assez insolites, un tour du monde des volcans actifs ou éteints et de leur exploration, avec tout ce que les marches d'approche peuvent comporter comme difficultés (épreuves d'escalade, dangers divers). Des éruptions de lave, de cendres et de fumées, caractérisées par leur apparente (et bien sûr fausse) lenteur typique, des coulées se transformant en amas de pierre : on navigue d'un volcan à l'autre entre des succès et des échecs relatifs, sans que les objectifs scientifiques ne soient toujours clairs, avec une certaine redondance dans les descriptions, mais au creux d'un spectacle visuel d'autant plus fascinant qu'on a l'impression d'accéder à des images un peu magiques, de par leur rareté (que ce soit le contenu du documentaire ou la pellicule physique elle-même).
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