Il faudrait que je revoie la version de Roger Donaldson de 1984 avec Mel Gibson et Anthony Hopkins, mais il me semblait que celle-ci était davantage affectée par les tares de sa décennie que la version originale de Frank Lloyd — et il restera celle de Lewis Milestone, en 1962, avec Marlon Brando, pour comparer l'ensemble. Je ne suis pas un grand amateur du cabotinage Actors Studios (bien que l'organisation n'existait pas encore en 1935) des deux principaux acteurs, Charles Laughton tout en sadisme et Clark Gable tout en séduction, malgré l'absence de moustache concédée aux producteurs. Mais sur la durée, j'ai trouvé que le film parvenait malgré tout à installer une ambiance attachante sur le bateau qui quitta l'Angleterre en 1797 pour faire un petit tour du monde jusqu'à Tahiti.
Attachante par les conditions de vie rapportées, qui parviennent à se frayer un chemin à travers le contexte de production et de reconstitution : on ne compte plus les séquences sur toile de fond avec la mer artificielle derrière un bateau en carton... Mais aussi par la camaraderie, typique du cinéma américain des années 30 et 40, qu'on retrouve d'ailleurs chez Ford, et par l'arrivée sous forme de délivrance sur une île paradisiaque peuplée de vahinés.
Simplement, il ne faut pas compter sur "Les Révoltés du Bounty" pour dépeindre autre chose qu'une dialectique enfantine derrière les conflits entre maîtres et esclaves, c'est d'ailleurs troublant de voir des thématiques aussi violentes (tortures diverses, morts froides) abordées de manière aussi naïve et distanciée. Je ne m'y ferai, je crois, jamais. Tout est parfaitement explicité dans les horreurs du capitaine Bligh pour en faire un sur-méchant et rendre la mutinerie finale comme une forme de révolution tout à fait logique et acceptable. Qui plus est quand il s'agit d'une rébellion d'Américains contre la domination anglaise... Même s'il s'agit d'un récit inspiré d'un fait historique réel, c'est manifestement tout le versant fictionnel, avec l'angoisse de quitter sa famille et la terreur du capitaine à bord, la joie tahitienne (avec un petit côté épanouissement scientifique et sexuel, ainsi qu'un petit côté gay friendly par moments), et pour finir le tribunal expéditif final qui valent le détour.