Into the wild...

Si on aime les animaux, il est difficile (mais guère impossible , au vu des notes ici...) de ne pas aimer un tel film, qui nous fait plonger au cœur de la vie des forêts primitives européennes et partager de beaux moments avec les animaux qui y ont prospéré depuis des millénaires. Car le film prend ses racines dans une histoire qui commence avec la fin de l'âge glaciaire il y a 11 000 ans. Il nous propose ensuite de parcourir les millénaires avec les habitants des forêts qui soudain se mettent à recouvrir l'Europe, et parmi ces habitants se trouvent aussi des humains chasseurs,cueilleurs qui partagent le sort commun...

Ce film est un régal pour les yeux et pour l'esprit et cet égrènement des saisons nous fait sentir la puissance de cette entité oubliée qu'on nomme Nature. Les animaux et les hommes boivent aux mêmes sources, et ces derniers, discrets prédateurs, font bruisser la forêt de nombreuses divinités. Et on les comprend. Cette première partie du film m'a enchanté par le très bon montage (certes peu original par moments) et les superbes images de loups, de lynx, de sangliers, d'oiseaux de toutes sortes. Rien de nouveau, juste le business journalier de ces bêtes toujours au contact les unes des unes, s'évitant ou se pourchassant. L'homme est alors une présence discrète. Mais tout ça, c'était avant...

Car hélas le vrai propos du film apparaît quand, après des millénaires de saisons pérennes, commence la lente progression du monde humain (on nous montre des cueilleurs, puis des cavaliers, des chevaliers médiévaux, de la chasse à cour etc... ). Le dernier quart du film aborde franchement la question de la décimation des habitants de la forêts , à cause de sa destruction par l'agriculture et la civilisation humaine. Les animaux reculent, l'agriculture parcellise la nature, la montagne résiste encore un peu...
Contrairement à d'autres, je n'en veux pas aux auteurs d'avoir rejeté les images chocs (sans résister toutefois au désir de bien montrer la filiation entre gaz de combat et pesticides modernes) et plutôt que de montrer les décharges, les embouteillages, et autres horreurs modernes, d'avoir inscrit la civilisation dans cette progression naturelle d'une espèce dominante. Cela revient à rendre le sujet moins abrasif et presque optimiste (nous créons aussi des éco-systèmes), un parti-pris que je n'approuve pas tout à fait, mais d'un autre côté je ne sais pas si j’aurais eu le courage d'aller voir encore un constat déprimant de notre bêtise. Et ceci dit, en adoucissant les images, ils n'effacent pas la terrible conclusion.

C'est donc deux films que l'on voit, un sur la vie animale, genre Microcosmos ou Oceans, qui vous mettra la larme à l’œil parfois, suivi d'une illustration soft mais amère de la perte qui se profile (l'image des cerfs dans les forêts primitives du début contraste douloureusement avec celle des mêmes cerfs dans nos forêts aux arbres alignés comme des soldats, où l'animal apparaît presque comme un intrus, une pièce rapportée. Terrible...).
J'enrage de penser que ces films animaliers fascinaient le gosse que j'étais, et qu'aujourd'hui j'ai du mal à les voir sans une tristesse infinie. Le WWF a annoncé cette année que nous avions, depuis les années 70, décimé la moitié des animaux vivants sur la planète. Nous mettrons certainement à peine 20 ans pour tuer l'autre moitié, maintenant que l'humanité est devenue une force capable de changer les saisons...
Je recommande chaudement ce chouette film dont le seul défaut est sa partie "cri d'alarme", que l'on peut interpréter comme subtile ou au contraire pas assez musclée, selon son humeur, mais allez-y pour les images et la belle bande-son, et parce que les animaux de nos forêts valent bien qu'on se rappelle d'eux de temps à autre.