Je ne voulais pas voir cette horreur jusqu'à ce que je me lance enfin, histoire de pouvoir dire "Je l'ai vu et c'est de la merde" au lieu d'un simple "C'est de la merde" sans vraiment savoir. Et du coup ça m'a fait comme une vidéo de décapitation : on veut la voir par curiosité malsaine, puis quand c'est fait on se demande pourquoi on a bien pu faire une chose pareille et on voudrait tant pouvoir effacer ces images de notre esprit.
Eh bien donc : ce film est une bouse infâme. Ce film est raté, ce film est minable. Juste mal fait, mal joué, mal réalisé, et n'ayant aucun rapport avec l'œuvre originale, qui ici est juste trahie au plus au point, vidée de sa substance, ses messages et métaphores, puis trainée dans la boue en étant transposée - "pour changer" - à New York. Ce n'est même pas d'un niveau "so bad it's good". Même si on ne s'ennuie pas trop (pas tellement de longueurs), la seule fois où je me suis marré, je pensais à un truc m'étant arrivé durant la journée. J'étais juste stoïque chaque fois qu'un gag se produisait à l'écran.
Les Schtroumpfs ne sont même pas le sujet principal du film, c'est dire. Le pitch du film, c'est simplement :
Un "pauvre couple riche de Manhattan" qui se bat avec de faux problèmes : faire un gosse et faire accepter des pubs moches à son boss. Des "gentils petits lutins" les aident à améliorer leur niveau de vie déjà très élevé par rapport à la moyenne, et en échange ils les aident à rentrer chez eux. Les Schtroumpfs auraient pu être des nains, des gnomes, des Minimoys, des Leprechauns (non, quand même pas), ça aurait été identique. Ils sont juste un prétexte à raconter cette histoire familiale sans aucun intérêt. On ne pouvait pas faire pire comme adaptation, à sec et avec du gravier, comme dirait notre ami Torpenn dans sa propre critique.
Les Schtroumpfs, c'est un spin-off de Johan et Pirlouit. Ca se passe au Moyen Âge, et ce sont eux les personnages centraux, pas un couple New Yorkais à la rien à voir. A la base, Peyo faisait passer des messages à travers ces récits. Déjà les Schtroumpfs, dirigés par le Grand Schtroumpf rouge, sont des communistes. Aussi, Peyo traite des sujets comme la remise en question de la monarchie et les dictateurs dans le Schtroumpfissime, les problèmes linguistiques belges dans Schtroumpf vert et vert Schtroumpf, et surtout leurs difficultés à faire face à des éléments étrangers à leur petit monde, et leur impossibilité à assumer leur quotidien sans l'autorité du Grand Schtroumpf dont ils sont incapables de se passer. Les Américains connaissent grosso modo tout ça, la série animée étant été créée sur leur sol. Le monde entier connait cette série animée, la francophonie n'est donc pas la seule à ne pas avoir retrouvé ses repères dans le film. Donc pourquoi avoir suivi cette voie ?...
Gargamel est lamentable avec ses postiches, et chaque fois que je voyais (et surtout entendait) Azraël, mes dents grinçaient tant ses animations et sa voix d'un humain imitant mal un chat étaient épouvantables. Les acteurs humains étaient encore pire que les Schtroumpfs. Tous avec une tonne de fond de teint contrastant grotesquement avec leurs mains non maquillées et donc plus claires. Ils jouent mal, mais mal, n'ont aucun relief, aucune substance, et j'avais juste envie de tabasser la gonzesse de Glee plus fadasse que jamais. J'espère qu'elle a fait une fausse couche après le générique ! Même les acteurs faisant les voix des Schtroumpfs en VO sont meilleurs qu'eux, à part peut-être Katy Perry, au générique juste pour attirer encore plus de spectateurs, comme c'est le cas pour la VF avec Béatrice Martin alias Coeur de pirate. Et dire que Hank Azaria, qui interprète Gargamel, est un des acteurs vocaux principaux des Simpsons...
Pour parler de la VF, étant de toute façon quasiment chaque fois médiocre de nos jours, je saluerai le travail de Gérard Hernandez, qui fournit la voix du Grand Schtroumpf comme il le faisait dans la série animée, et qui l'a toujours fait avec brio. Autant que Jonathan Winters dans la VO d'ailleurs. Bref, tout comme dans les histoires des Schtroumpfs, le Grand Schtroumpf est la seule personne inspirant le respect, et non les baffes, et sera ma foi le seul point positif de ce désastre.
Ensuite, n'oublions pas le "product placement" à tout va, juste honteux (la pub Blu-ray est bien visible - genre "Blue, you know! Like... the Smurfs are blue? Get it, get it?"). Le "wait for it" de "How I Met Your Mother" juste pour que ceux dans la salle qui ont reconnu la référence rient bien fort juste pour montrer qu'il l'ont saisie. Les incohérences grossières aussi, typiques des mauvais films familiaux (comme par exemple un labo tout prêt et fonctionnel dans le Belvedere Castle à Central Park). "Oui mais c'est pour les gosses !", certains diront. Oui mais non. Ce n'est pas une raison.
Et ce connard de "réalisateur", Raja Gosnell... Quand on voit sa filmographie, on comprend tout de suite. Je ne comprends pas comment on peut arriver à un truc aussi amateur en tous points avec un tel budget ; on dirait presque un téléfilm, comme les derniers Home Alone ou Beethoven. Mais justement ! Quand on passe en revue les acteurs humains principaux, on y est, dans le téléfilm. Pas un seul d'entre eux n'a accompli quelque chose de majeur au cinéma. Ce sont tous des acteurs de séries TV qui sont considérés comme "seconde zone" au cinéma, et donc moins chers. On a donc tous les ingrédients cheaps du téléfilm. Et comme le public n'a pas de goût, on ose leur proposer un téléfilm au cinéma, et bien évidemment il adore ça.
Dans le genre, je recommande Tintin à la place, qui à pu au moins réinventer l'œuvre originale sans la trahir, même s'il a aussi ses défauts. Une adaptation animée aurait d'ailleurs peut-être pu sauver Les Schtroumpfs, à condition de se dérouler dans leur univers, et pas... à NEW FUCKIN' YORK. Ils auraient peut-être paru moins laids. Car ils sont laids, mal faits, et s'intègrent très mal dans leur environnement. Et pourquoi ce Schtroumpf écossais ? C'est bien simple : pour attirer l'Américain moyen, raciste et qui considère son pays comme le centre du monde. Donc on lui fait plaisir avec des clichés sur les Ecossais, puisqu'il croit de toute façon qu'ils sont tous en kilt. Ca aurait pu être un Anglais distingué avec de mauvaises dents, ou un rasta disant "Wé, man" à chaque phrase. Il nous fallait un film d'animation ou non se déroulant au Moyen Âge, avec les Schtroumpfs comme personnages centraux, avec en plus des personnages comme Johan, Pirlouit et Omnibus, et pourquoi pas le roi, au moins en caméos. Une histoire avec de la profondeur, avec peut-être un second ennemi en plus de Gargamel, et une fin poignante. Et pourquoi pas un dragon, un géant ?... Un film regroupant des thèmes et des bouts de scénarios d'autant les BDs des Schtroumpfs que celles de Johan et Pirlouit, justement comme Spielberg est parvenu à le faire avec Tintin. Le public autant que Peyo méritait une adaptation digne de l'ampleur de son œuvre, bien plus grande qu'on pourrait le croire.
Mes félicitations à la famille Culliford pour avoir sali à ce point son patrimoine familial. Peyo se retourne tellement dans sa tombe qu'on pourrait produire de l'énergie éolienne pour toute une ville en branchant un générateur à son cercueil.