Souvent, lorsqu'on voit des films d'animation émerger avec des thématiques présent dans le livre scolaire et qu'on a l'impression de voir un téléfilm éducatif dès la bande annonce, le tout accentué par les récompenses cannoise qui font "académique centré", ça peut rebuter. Cependant, pour le cas de Les Secrets de mon père de Véra Belmont, je me suis hasardé à aller le voir car étant en compétition au festival d'Annecy, mais aussi car la question de la transmission de témoin et de souvenir de périodes historiques importantes sont des thématiques qui me touchent personnellement. Du coup j'y suis allé sans trop d'attente et je fus agréablement surpris du résultat.
Il est évident que le film ne brille pas par son animation riche car, dès les premiers plans de course qui sont les premières scènes où on voit un personnage à l'écran ou même sur le doublage de certains personnages (notamment le jeu d'acteur de Michel Bernier qui est à jeter), c'est pas très reluisant. Cependant le film est conscient de ces limites et va pour économiser ses effets pour ne pas ressembler à des œuvres qui ont... moins froids aux yeux. Cela ne l'empêchera pas de travailler ses effets visuels, ses effets de transition et de montage pour être extrêmement intéressant techniquement. Évidemment qu'on aurait aimé avoir quelque chose de plus soigné, cependant le film arrive tellement bien à poser son ambiance, à poser un cadre plus atmosphérique et posé, que l'on comprend très vite que cette animation ne va pas être au centre du récit et qu'elle sert surtout de base saine pour mieux apprécier le travail graphique de la bande dessiné originale. On comprend alors que cette scène de course disgracieuse qui souligne l'imperfection de l'animation relève plus de l'accident plus qu'autre chose, et que dans un certain sens, cela nous permet de mettre une limite qui nous montre quel est le pire du pire, et que si tu arrives à supporter ce segment oubliable, alors tu apprécieras visuellement tout le film. On va alors s'attarder sur le dessin très soigné et sur le récit qui occupe une place conséquente et qui impose une manière singulière de voir le film. En effet, le film se veut comme un récit témoin, une sorte de mise en scène de scénette du quotidien d'un grand père qui aurait raconté à son petit fils ses aventures à l'école, dans la rue, ses rencontres amoureuses... en gros le rendez vous émotion et partage de deux génération chaque noël, sans les côtés trop chelou. Le film se veut comme un film témoin de la seconde guerre mondiale mais aussi témoin d'une relation entre un père et son fils, et c'est tout naturel que le film prenne une direction un peu plus décousu car cela instaure un rythme particulier et une manière même de vivre le récit qui colle avec le propos. On va avoir le témoignage d'une certaine jeunesse des années 50 qu'on va suivre enquêter sur les secrets de ce père de famille avec un tatouage étrange au bras qu'ont une bonne parti de la population du village, et on va donc découvrir ce que signifie ce tatouage et ce que cache son père... oui c'est un peu chiant et un poil trop premier degré avec des dialogues paraissant bizarre où les personnages gueulent sous tous les toits qu'ils sont fier d'être juif, et oui, si le film ne se résumait qu'à cela, le film serait ultra bas de plafond et sans intérêt car cela relève de la connaissance commune, et qu'à part des enfants de 6 ans n'ayant jamais eu de cours sur la seconde guerre mondiale, le film n'aurait aucun impact et quasi aucun intérêt à part dans une lecture personnel et documentaire des faits. Cependant le film ne tombe pas dans ces travers et va pour apporter sa touche afin de raconter l'histoire (avec un petit h) dans l'Histoire (avec un grand H),et c'est là que commencent les problèmes.
Le film instaure tout une intrigue sur le secret que cache ce père de famille à ses fils, et au vu du nom du film et de la manière qu'a le film de construire son récit, on est amené à traiter le film comme une sorte de film d'enquête pour comprendre ce qui s'est passé, non pas tant durant la seconde guerre mondiale, mais plus dans cette famille marqué par la guerre et la religion juive. Cependant, pour ceux qui n'ont pas lu la BD et qui découvrent le film tel quel, le film n'est pas ce que vous croyez. Dans sa manière de faire évoluer les personnages et son récit, le film n'est pas qu'un "simple" film sur la seconde guerre mondiale, c'est plus que cela et est un tout autre film que ce qu'il prétend être dès le début de film. On a le droit d'avoir un film qui joue sur les attentes pour proposer un film hybride mélangeant différents genre d'écriture pour raconter différentes choses, et ce n'est pas tant une mauvaise chose. Sans trop spoiler, disons que le film raconte l'histoire de deux frères cherchant à comprendre l'histoire de son père, jusqu'à un turning point où le récit va se focaliser sur la vie d'un des frères qui va vivre avec le fait d'avoir (ou non) compris son père qui a tendance à se comporter plus ou moins bien vis-à-vis de sa condition de témoin de la guerre. On va y suivre l'un des frères qui va grandir, va évoluer émotionnellement parlant afin de grandir et s'épanouir malgré les actes qui se sont passés dans le premier acte. J'adore la manière qu'a le film d'être, tout d'un coup, beaucoup plus naturaliste et proche de ses personnages pour adopter un format presque documentaire réaliste où on va suivre un jeune homme grandir, avoir des relations amoureuses filmé tendrement le temps de câlins dans un lit, avant de le re-suivre dans sa vie afin qu'il s'intègre à la vie adulte. Mon plus gros soucis est que le turning point est ultra violent, que l'on passe d'une manière de voir à une autre, d'une manière très enfantine à une approche beaucoup plus sérieuse et adulte, de la même manière qu'on entamerait le visionnage d'un nouveau film, et que si la deuxième parti est largement plus intéressante que la première, ce deuxième acte va totalement crée une rupture avec le propos même du film jusqu'à présent. Cela est tel que le film cherche à recréer un lien entre les deux actes sur sa fin, la justification parait grossière et mal venu alors qu'on parle de la nécessité de transmission de témoin. Ce film me rappelle énormément ADN de Maïwenn dans sa manière de parler d'un sujet pour se recentrer sur sa deuxième parti sur un personnage et sa manière de digérer les évènements soulevés par le sujet, sans les côtés abjectes et sale où l'on a une réalisatrice en plein égo trip qui ne concerne qu'elle (si vous n'avez pas vu ADN, fuyez ce film c'est une merde immense, mis à part la prestation de Dylan Robert, le film est à jeter, ne vous infligez pas ça). On a toute une parti première parti construit comme un film éducatif et d'enquête sur l'enfance de ces deux frères, et on aime suivre ces enfants vagabonder dans leurs vies avec des idées de mises en scène très intéressant et des scènes de pure contemplation où on aime regarder deux adolescents se reposer sur un lit amoureusement. Mais dès le turning point, le côté contemplatif, qui était secondaire et ne servait que de support d'arrière plan à un film plus basé sur son scénario, devient le centre de l'attention et vient totalement remettre en cause la manière même d'aborder le film tant cette deuxième parti arrive en tuant la première comme la pausé récré d'une école peut tuer un cour qui passionne pas tout le monde. Cela soulève beaucoup de soucis sur la manière qu'a le film d'abandonner certaines intrigues et sur ce qui aurait été intéressant d'apprendre sur cette famille, dont la présentation nous a pris tout un film, mais dont les secrets n'intéresseront pas plus que ça. On peut y voir une fuite en avant et un parallèle entre un père trop dévoré par son passé et une génération qui, sans forcément négliger l'héritage familiale, se retrouve totalement détaché de l'intérêt qu'on peut y voir dans l'histoire de ses ainés lorsque ceux-ci ne savent pas bien transmettre le témoignage. Le problème est que la césure est tellement violente et presque hors sujet, que l'on ne comprend plus ce que l'on voit, et amène un moment de flottement, remettant tout à zéro, et créant un sentiment de film longuet qui fait du sur-place. C'est franchement dommage car le film est très honnête sur ses intentions, mais n'arrive tout simplement pas à les exposer clairement. A la fin du film, on a ce sentiment d'insatisfaction face à un film qui instaure des choses qu'il ne finit jamais vraiment, et on finit avec plus de question, ce qui est le contraire d'un récit témoins. La proposition reste intéressante et pertinente dans sa manière de brosser le portrait d'une famille et les différentes relations qui peuvent coexister dans une même famille, voire dans un même village. Je suis intrigué de voir ce que peut proposer la réalisatrice par la suite.
11,5/20
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