Jet Li, Andy Lau, et Takeshi Kaneshiro. Rien que ces trois noms réunis sous le même titre d'un film, ça en impose. Est-ce que cela justifie pour autant le fait que Les Seigneurs de la guerre soit un énorme succès commercial à l'autre bout du monde ? Pas seulement.
Le projet était ambitieux : avec un budget avoisinant les 40 millions de dollars (somme considérable pour un film chinois !), Peter Ho-Sun Chan, réalisateur du magnifique Perhaps Love, proposait de nous raconter l'histoire de ces trois hommes à la tête d'une armée de bandits dans la Chine du 19ème siècle unis par un pacte de sang qui vont tenter de s'emparer du pouvoir. Ils vont devoir affronter tant les armées adverses, que les politiciens ou leur propre serment.
Alors bien sûr, le trio d'acteurs en tête d'affiche du long métrage ne déçoit pas un seul instant. Ils sont tout simplement extraordinaires dans la peau du militaire déchu, du bandit non moins homme d'honneur, et de l'idéaliste fidèle et tiraillé entre deux hommes qu'il respecte autant qu'il aime. Ce rôle est tenu par Kaneshiro, que l'on retrouvera bientôt dans Les Trois royaumes de John Woo. D'abord simple spectateur d'une trahison annoncée dès qu'il comprendra que le parfum d'une femme mettra en danger la fraternité, l'acteur jouera habilement de l'incroyable expressivité de son visage pour rendre compte de la profondeur du dilemme de son personnage, jusqu'à ce qu'il se décide à devenir arbitre. Jet Li et Andy Lau ne sont pas en reste, chacun justifiant dans chaque plan leur statut de star asiatique.
La mise en scène est également époustoufflante : des combats aux costumes, des plans d'ensemble aux effets visuels, tout ici justifie les treizes récompenses obtenues l'an dernier par Les Seigneurs de la guerre. Peter Chan, s'il ne brille pas par une inventivité aussi débridée que celle qu'on retrouve chez Kim Jee-Woon, n'en demeure pas moins un faiseur hors-pair qui évite le grandilocant pour se concentrer sur son histoire captivante. Entre histoire d'amour tragique et épopée guerrière, le cinéaste hong-kongais réussit à nous livrer une grande fresque historique dans laquelle chaque thème abordé prend une résonnance légendaire.
L'accent est clairement mis sur le spectaculaire mais Peter Chan ne néglige pas pour autant ces petites scènes intimistes qui font la frontière entre grand film épique et film de guerre classique. Il ne manquera au final qu'une touche plus prononcée de la part du cinéaste, son film manquant de personnalité. Une "patte" moins effacée. Car l'on peut être un très bon faiseur et avoir sa propre griffe. Ridley Scott l'a prouvé ces dernières années. Mais n'est pas Ridley Scott qui le veut, et Les Seigneurs de la guerre n'en demeure pas moins un grand film justifiant pleinement le succès rencontré en Asie.