--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au troisième épisode de la cinquième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Secret_of_the_Witch/2727219
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---


On entre ce soir déjà dans la seconde catégorie de films qui composent les mois-monstres. C’est assez curieux comme ce mois défie tous les autres en divers originalités. Commencer par un aussi bon film, proposer des documentaires, contourner la Hammer et Universal Monsters, et ce soir ceci : dès le troisième film, être déjà arrivé en 1957, et avoir suffisamment de recul sur la légende pour en proposer un drame sociétale et non un film d’épouvante fantastique. Point de ballet à dos de balai ni de baguettes ou de chaudrons ce soir, donc. Nous arrivons déjà à la phase 2 de la légende, à ce moment gratifiant ou l’expérience sensorielle du mois-monstre bascule vers l’analyse sociétale. Où nous ne sommes plus là pour nous goinfrer de pop-corn devant des effets spéciaux plus ou moins heureux, mais pour réfléchir à tous les enjeux humains que porte notre monstre sur ses frêles épaules.
Les procès de Salem reviendront ponctuer le mois, et pourtant j’ai l’impression que le film de ce soir en a déjà tout dit. Avec le plus grand sérieux, trop peut-être, le film nous démontre comme une petite communauté peut se faire emporter dans ses croyances par un effet de groupe aussi colossal que meurtrier. Simone Signoret y campe une femme d’une noblesse d’âme infaillible, bonne, juste, aimante, froide. Trop encore. Face à l’infidélité de son mari, elle ne s’épand ni en colère ni en tristesse, pardonne l’un et chasse l’autre des amants de sa maisonnée. Elle déclenche ainsi à ses dépends une engeance de vengeance qui prendra des dimensions inattendues, et conduira nombre d’innocentes à la potence.

Nous sommes en 1957, et le film est d’un sexisme exaspérant. Reprenant la douteuse théorie que proposait Haxan, le réalisateur ne manque pas lui non plus de faire un parallèle explicite entre hystérie et sorcellerie. Il ponctue littéralement son film de cris féminins, parfois sans aucune autre raison valable que celle de ne pas les avoir entendu depuis plus de 20 minutes. C’est doublement insupportable, tant auditivement qu’intellectuellement. Bien sur, avec un scénario comme celui-ci, on verse dans l’archi classique : « c’est pas ma faute c’est mes pulsions, c’est la faute à ma femme elle veut plus coucher avec moi, c’est la faute à ma maîtresse elle a pas su résister à mon charme, pauvre de moi, bla bla bla ». Le fait que le film se prenne pompeusement au sérieux ne fait que rendre le propos plus intolérable encore. Certes le sujet est tragique et s’appuie sur des faits réelles, et il n’aurait pas été de très bon ton que le film ne se prenne pas au sérieux, mais tout de même. Peut être suis-je déjà habituée, en trois jours seulement, aux vieilles au nez crochu et au pin-up en amazone sur un manche à balai, mais j’ai trouvé que le film de se soir s’enterrait dans un sérieux ennuyant. Et c’est pourquoi malgré ses deux heures vingt de long, je n’ai pas beaucoup plus à en dire. On sent clairement l’inspiration théâtrale, s’installant sur de longues durées dans des décors fixes, en grande majorité en intérieur. Peut être cela ajoute-t-il à la rigidité de l’objet, à son aspect sérieux et à son ressenti rebutant.
J’ai parlé et développé le négatif, mais finissons tout de même par le point positif que j’ai évoqué sans m’y arrêter : Simone Signoret est une comédienne merveilleuse. Elle habite son personnage avec une telle véracité que c’est comme si elle gommait de l’écran ses partenaires de jeu. Le personnage évolue tout en finesse, dans son jeu parfait. Elle est parfaite. Notons d’ailleurs que dès le troisième film j’en suis à la deuxième actrice dont je vante les mérites. Les mois-monstres sont souvent l’occasion pour moi d’aborder des thèmes de sexisme, de patriarcat, tout simplement parce que les monstres que j’y croisent sont fréquemment de très bonnes enveloppes pour incarner des notions de virilité, de supériorité masculine et également pour aborder de manière imagée un sous-texte sexualisé (d’ailleurs selon les film, le sous-texte est plus ou moins fin). J’y ai fréquemment flatté des Peter Cushing et des John Carradine, et y ai souvent clamé mon exaspération face à la sexualisation des personnages féminins, faces aux inégalité intellectuelles des protagonistes en fonction de leur sexe, ou face à des histoires d’amour au schéma patriarcal répétitif. Je me suis tout de même enthousiasmé parfois, notamment l’année dernière, avec l’arrivée dans mon univers de la formidable comtesse Bathory. Ce troisième film me permet de verbaliser une attente inconsciente que j’avais pourtant ardemment formulé pour ce mois sorcières : j’espère beaucoup de lui sur la question du féminisme. Pour l’instant le propos reste, sinon misogyne, simplement commun (quoique, à y repenser, le film d’hier était entièrement porté par son personnage féminin, qui faisait avancer l’intrigue comme bon lui semblait, prenant les devant en amour et redoublant d’intelligence pour dépasser son rival masculin). J’en explique cette petite déception par le début de chronologie, et m’enthousiasme cependant de l’habileté dans le casting irréprochable des personnages féminins de chacun des films que j’ai pu voir. Si le film en lui même ne défend pas de cause d’égalité des sexes, les comédiennes le font pour lui, qu’il le veuille ou non. Vivement le tournant des années 70, pour enfin voir au mois-monstre des femmes fortes, indépendantes, cruelles et intelligentes.

Zalya
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le 24 oct. 2020

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Zalya

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