Critique : Les stagiaires (par Cineshow.fr)
On voyait Les stagiaires arriver dans leurs gros souliers en pensant déjà savoir à quoi on allait avoir à faire : Vince Vaughn et Owen Wilson, les deux vieux compères, les serial noceurs, les éternels gamins de 40 ans allaient encore faire leur show dans le seul rôle qu’ils semblent aujourd’hui en mesure d’endosser, avec comme trame de fond la précarité de l’emploi et les nouvelles technologies. Bah, pourquoi pas après tout ! Sauf que c’est pire que ça, bien pire…
Pour faire simple, le nouveau film de Shawn Levy ne semble être qu’un gigantesque spot de pub pour Google, aussi fin que les spots de l’armée de terre, aussi honteusement mensonger que pouvait l’être un Top Gun à l’époque, en mode “l’armée de l’air c’est super cool” (remplacer donc ici “armée” par “google”). Vous me direz, on pouvait s’en douter en voyant la bande annonce, on est tellement habitués aux names dropping dans les films ces derniers temps qu’on est plus à ça près, sauf qu’ici le message est asséné à coups de massue pendant deux heures, et ne s’en cache même pas.
Car oui, cette purge ultime dure DEUX heures, alors qu’au bout de 20 minutes on n’en peut déjà plus des bavardages incessants des deux cabotins principaux, en roue libre totale et ne semblant même pas être dirigés! Étonnant de la part du réalisateur Shawn Levy, pourtant réalisateur de Real Steel et de La nuit au musée, qui, sans êtres des chefs d’oeuvres, restaient de solides divertissements calibrés. Non vraiment, tout cela ne semble vraiment être qu’une sorte de servitude au dieu Google, qui a dû cracher les billets pour soudoyer tout ce beau monde, y compris Rose Byrne, dans un rôle absolument inutile de cadre obsédée par le boulot et forcément triste relationnellement parlant. D’ailleurs tous les personnages du film ne sont que des clichés, la plupart des étudiants stagiaires de chez G. (je ne citerait plus la marque tant mon cerveau a été lobotomisés durant la séance) étant au choix des geeks puceaux, à lunettes, moches, gros, fans de cosplay, accros aux smartphones, socialement inadaptés, et vivant sous le joug d’une mère tyrannique. Ceci dit ça aurait pu être marrant d’en jouer avec un minimum de second degré, mais le tout est tellement gerbant de conformisme que ça ne passe jamais.
Forcément, les glandus quarantenaires vont montrer aux jeunes blanc becs combien c’est cool de faire la teuf et tant pis pour le boulot, tandis que ces jeunes marginaux vont toucher en plein coeur nos deux abrutis et leur montrer que oui, eux aussi peuvent arriver à réussir. La grande majorité des gags tombe à plat, et ne fonctionne tout simplement pas, et il n’y a guère qu’une apparition de Will Ferrell avec un look de James Hetfield tatoué (chanteur de Metallica) et deux trois références ciné pour nous faire sourire (même la partie de Quiddich, fun sur le papier, ne procure ni émotion ni rire).
Le pire, c’est qu’en plus d’être nulle et interminable, cette “comédie” balance des valeurs morales nauséabondes prônant le rejet de toute forme de défaut (les gros sont dégoûtants, les pauvres sont des loosers, les moches ne font pas d’efforts), la servilité au travail comme seule forme de réussite sociale (voir la scène où les gagnants du concours agitent des pizzas au dessus du nez de stagiaires ouvrant la bouche comme des oiseaux asservis) et le capitalisme comme seul système générateur de succès (la scène où les googleurs s’obstinent à persuader le pizzaïolo du coin d’ouvrir des succursales dans les grandes surfaces). Tout cela sans parler de la version bisounours du monde de l’entreprise G. vendue comme la boite la plus cool du monde avec ses vélos colorés, ses toboggans et sa bouffe gratuite.
Un tel produit marketing semble incroyable et pourtant il existe bel et bien, Les stagiaires est un spot de pub géant, bruyant et abrutissant qui ne parlera ni aux geeks (les références technologiques se limitent à citer Foursquare, Instagram, ou deux trois termes techniques comme C++, HTML5 et CSS), ni aux employés du monde de la com (aucune piste intéressante n’est exploitée à ce sujet), ni aux amateurs de comédie aussi lourde soit elle (le film n’est jamais drôle et ne semble en fait même pas chercher à l’être). Alors à qui s’adresse ce “film”? C’est bien là le mystère…