Yoru no tsuzumi complète un tableau parfaitement subjectif chez Tadashi Imai formé par les quelques films que j'ai pu voir et explore une perspective extrêmement rare pour aborder la thématique du samouraï. À des années-lumière d'un chanmbara (classique ou atypique), il est pourtant bien question de la condition de cette classe guerrière du Japon féodal (ici au début du XVIIIe siècle) mais selon un angle très original. En s'intéressant aux conséquences de l'éloignement imposé aux hommes par le clan et son chef, quittant le foyer et leur femme pendant plus d'un an à l'occasion d'une résidence à Edo, il expose une facette singulière qui a trait aux contraintes d'un exil et aux conséquences en termes de cellule familiale fragmentée, avec des problématiques liées à l'honneur bafoué très éloignées des classiques du genre. En ce sens, c'est un film très agréablement complémentaire dans la filmographie de Imai, aux côtés de Contes cruels du Bushido (sur la dure vie des samouraïs à travers les âges), Revenge (sur les codes du bushido et les conséquences délétères pour l'honneur), et Eaux troubles (sur la condition des femmes sous l'ère Meiji).


C'est sous l'angle de la rumeur que Les Tambours de la nuit déploie son mélodrame, en faisant du retour du samouraï en mission une confrontation aussi diffuse que blessante à ce bruit qui court déshonorant. Après une année passée loin de son foyer, impatient de retrouver son épouse, Hikokuro prend connaissance de murmures au sujet de sa femme, qui aurait eu une relation adultérine avec le musicien en charge d'enseigner le tambour à leur fils. Le tambour, un art à part entière dans la culture japonaise, sera d'ailleurs un motif récurrent dans le fond sonore qui viendra régulièrement rythmer l'action, dans tout son potentiel angoissant. On apprend à cette occasion l'existence de certaines "coutumes" en de pareils cas, comme notamment le double suicide de l'époux infidèle et de l'amant en cas de révélations dégradantes, ou encore l'autorisation donnée à l'époux déshonoré d'assassiner le fautif dans le cas où il aurait prévenu les autorités au préalable. Une drôle d'époque, assurément.


Tadashi Imai adopte la stratégie d'une narration procédant par flashbacks successifs pour révéler progressivement l'objet du litige, un procédé qui convient particulièrement bien à la nature du sujet. On découvre peu à peu la difficulté du quotidien de cette femme laissée dans la solitude, confrontée à une grande diversité de problèmes (économiques, entre autres), ainsi que la tragédie qui se prépare — à cette époque féodale, un homme peut fréquenter autant de geishas qu'il le souhaite sans risquer la moindre réprobation, mais si une femme est surprise seule avec un homme dans la même pièce (sans transgression morale notable), ce sera considéré comme un affront patent. Night Drum se refermera à ce titre sur un final étonnamment sanglant, en nous plaçant dans une position pour le moins très inconfortable.


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le 1 avr. 2024

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