Je m'adresse d'abord ici aux vieux débris dans mon genre, ceux qui pouvaient suivre la Dernière Séance le jeudi soir, ceux qui, en ce début d'années 80, pouvaient espérer voir un film d'aventures épiques, un western, un péplum, lors des vacances ou des soirées froides de l'hiver. Parfois c'était un mardi soir, ou, plus rarement, un après-midi de vacances de Noël.
Et bien pour moi Hercule au cinoche, c'est ça. C'est une odeur qui revient dès que le générique se lance, un craquement de bois dans la cheminé, un son mono pourave et presque étouffé sur la tv 33 cm.
Je me suis décidé à faire découvrir le charme de ces antiquités à ma très chère progéniture, histoire qu'elle puisse dans quelques année raconter comment leur vieux paternel les a gavé de film très vieux avec des effets spéciaux trop léééééé. Un peu d'éducation ça fait du bien et, franchement, j'ai envie d'initier ma descendance à autre chose que des super héros marvels dans des films sans charme où les pixels explosent partout. Ouvrir leur horizon, ce n'est pas plus mal même s'il faut, bien entendu, vivre aussi avec son temps.
Bref, lorsque le film se lance, je suis assez angoissé à l'idée de retrouver ce vieil Hercule musculeux et huilé. Dès le départ, son introduction est terrible. Une femme en détresse, Hercule arrive, arrache un arbre et la sauve. Un sourire charmeur plus tard, il est écrit qu'elle finira dans ses bras.
Kitch, ce péplum italien l'est. Pouvait-il seulement en être autrement ? La musique de Maseti est typique de ce sous genre, très présente et agrémentée de chants de marins italiens tout à fait charmants. Notre Hercule - Héraclès devait être trop difficile à porter - est aussi caricatural que Reeves. Beau, barbe impeccable, plastique huilée à souhait, bronzage nec plus ultra, le demi-dieu a suivi des cours de philosophie, de diction et de rhétorique. Le vocabulaire est ciselé et il est touchant d'écouter le héros s'adresser au roi usurpateur. Implacable vis à vis des méchants, noble jusqu'au plus fond de son âme, Hercule-Reeves a la vertu farouche. Plus proche d'un preux chevalier du XIIè siècle en jupette que du héros mythique qui était en proie aux pires tourments - les femmes par exemple qu'il voulait finissaient, de gré ou de force dans son lit -, Hercule-Reeves bondit, philosophe et castagne au milieu d'un casting impeccable. Les femmes sont de très beaux stéréotypes des années 50-60, à l'image de Gianna Maria Canale en reine amazone ou de Sylva Koscina, tout à fait délicieuse en Iole, fille de Pélias. Le travail des costumes est tout à fait satisfaisant, les décors sont de qualité pour une telle production et, ma foi, ces tissus au plus près des peaux évoquent un érotisme bon enfant tout à fait agréable.
Le scénario tient la route pour peu que l'on aime les mixer SEB - c'est bien -. Diverses légendes ont été rassemblées pour offrir un spectacle d'1h30. Des 12 travaux il n'en reste que deux, un soupçon d'Argonautes, une touche d'Amazones (pour être franc la séquence est assez foireuse quant à son écriture) , un poil de trahison et nous voilà embarqué dans une série B divertissante, à défaut d'être grandiose. Loin du chef d'œuvre que sont les aventures de Jason et les Argonautes de 1963, cette première virée herculéenne n'en reste pas moins sympathique. La photo est très belle, certains plans de haute volée et l'évocation divine à grand renforts de nuages et de rayons de soleil, juste.
Un agréable moment donc, qui a plu aux enfants qui, malgré son âge, a conservé un certain charme. A noter que la séquence finale a été le moment d'un énorme clin d'œil de la part de Brett Ratner à Pietro Francisci dans son reboot herculéen de 2014, le savoureux Hercule. Evidement Dwayne Johnson est bien plus crasseux que Steve Reeves mais ce dernier mérite tout à fait qu'on lui accorde 1h30 de détente en famille.