Une peste, un bougon et deux cloches
Dès les deux premières minutes, la messe est dite ! Et le monde fou de Tomi Ungerer se dévoile aux spectateurs, pour un voyage unique qu'ils ne risquent guère d'oublier.
Les Trois Brigands est un film audacieux, dont la réussite tient par un mélange parfait de trois ingrédients : la patte artistique d'Ungerer, un humour absurde, et une qualité sonore irréprochable (doublages & musiques).
L'histoire du conte originel tient sur simple morceau de papier (post-it). En gros, nos trois brigands pilleurs de diligence font la rencontre d'une petite fille, Tiffany, alors qu'elle se rend contre son grès vers un orphelinat dirigé d'une main de fer par une vieille tante. Les brigands vont alors kidnapper la petite afin d'en tirer une rançon. Mais ses derniers vont se prendre d'affection pour cette petite chipie. Assez limiter pour le format choisi, même en étoffant certains points. C'est pourquoi pour combler les brèches, l'ajout de personnages inédits comme le gendarme et les deux orphelins permet plus ou moins de répondre au cahier des charges. Ce pari est assez réussi, mais reste l'une des zones d'ombre du film, notamment les péripéties de Nicolas et de Grégory, deux orphelins insipides et sans véritable intérêt. En sommes, c'est deux là ne sont qu'un prétexte pour suivre la vie dans l'orphelinat, mais surtout d'avoir le plaisir et la joie de rencontrer la fille spirituelle de Nosferatu : la vieille Tante (dont son fidèle second n'est pas sans rappeler Igor). Qui ne se gave pas de sang, mais plutôt de sucrerie. D'ailleurs à l'instar de l'être mythique, elle laisse sur son passage cette ombre si particulière. Le second ajout (le gendarme) n'est pas sans rappeler Jacques Tati, par des situations absurde qui jure presque avec le reste du récit. Mais le dosage est tel qu'on ne peut qu'applaudir cet humour outrancier, notamment quand placer judicieusement permet de détendre l'atmosphère plutôt sombre et cruelle (pour le jeune public).
Fête des lumières
Ceci dit, c'est véritablement grâce à son esthétique si particulière que Les Trois Brigands tire son épingle du jeu. Les lecteurs du conte seront ravis par l'introduction et le final qui reprend les planches originales, mais seront sans aucun doute combler par un jeu de couleurs et des contrastes désinvoltes. Les plus beaux exemples sont dans le repère des brigands ou encore dans la forêt (qui n'est pas sans rappeler Alice au pays des merveilles). Ce choix est loin d'être anodin, contribuant à créer une atmosphère et ambiance particulière lors de scènes clés : tantôt lugubre, tantôt psychédélique.
Forcément, cette qualité déteint très agréablement sur les décors, qui sauve à mes yeux les limites techniques ou de talent dans leur conception. Attention, ce n'est pas un cache-misère. Mais il faut admettre que les équipes de ce film manquent de génie crayon en main.
Cependant, comme dans l'écriture des personnages, le travail sur ces derniers est également inégal en ce qui concerne l'esthétique. Bien entendu, les trois brigands sont ceux qui ont eux le droit au plus d'attention, contrairement aux deux orphelins qui sans vouloir être vulgaire : font vraiment tache... Dans l'ensemble, le travail sur les personnages n'est pas ce qu'il a de plus original ou de marquant, sauf exception des brigands. C'est fort regrettable, car il ne manque pas grand chose pour la majorité du casting...
Par ma barbe !
Disons-le sans regret, c'est avec un véritable plaisir qu'on savoure les aventures de Tiffany. Même si l'ensemble n'est pas dénué de défauts, certains points comme la direction artistique et l'ambiance évincent les quelques limites de l'œuvre. D'ailleurs, j'ai omis de mentionner des détails qui personnellement m'ont dérangé, comme lors du final le clin d'œil au jeu vidéo qui m'a semblé très mal venu. Final qui peut paraître loufoque, à la fois jouissif et décevant par sa maladresse. Quoiqu'il en soit chacun pourra tirer un certain plaisir dans ce monde des plus étrange, il faut dire que certains aspects sont relativement malsains.