Faut-il voir le film ?

Tout dépend comment on aime Les Inconnus, l'intérêt que nous portons à leur oeuvre.

En général, les gens y portent un grand intérêt mais vont vers ce film à reculons. J'y suis allé à reculons parce que je savais très bien que ce ne serait plus pareil, d'autant plus qu'une comédie reposant sur la vanne, la punchline est une chose très risquée.

Pendant la promotion, je ne les sentais pas du tout à l'aise. Un dimanche chez Drucker, avec des phrases toutes faites, des sourires vissés pour passer l'après-midi. Sur les réseaux sociaux, des petites vidéos couraient pour nous réhabituer à les voir dans un registre comico-retrouvailles... Pour nous donner l'illusion que ce serait comme avant.
Il y a quelques années, à l'époque de 7 ans de mariage, un de mes amis, comédien, a échangé avec Didier Bourdon. Le type est talentueux mais déjà, me relatait-il, il sentait que le comédien était en souffrance... Et cela se voyait sur son visage et dans son assurance.

Mais passons à quelque chose d'un peu moins subjectif.

Je connais toutes les oeuvres à chacun d'entre eux. De la pire jusqu'à la meilleure. Je suis donc un fan, un conquis d'avance mais aussi un nostalgique. Je suis surtout un observateur des comédies de classe, qui est un genre en France et ailleurs, un genre avec des comédies plus ou moins reluisantes mais souvent sociologiques et véridiques. C'est un genre qui recense Les Tuche, Louise Michel, Le Séminaire, Le goût des autres, Intouchables, Ma petite entreprise, La crise ou bien Camping, où l'on fait se confronter, comme des billes de billard qui s'entrechoquent, divers habitus de la société allant du SDF (Un fauteuil pour deux, Vive la France, Le père noël est une ordure, Viens chez moi j'habite chez une copine, Enfermés dehors) au plus bourge (les Aristos, les Visiteurs, La vie est un long fleuve tranquille). Donc ici, on est tout à fait dans la comédie de classe, et malgré toutes les rumeurs snobinardes qui courent sur ces comédies, c'est toujours un plaisir d'actualité.

Les trois frères c'était aussi une comédie de moeurs : des pères absents, à moitié vagabonds, une société qui se délite et qui se débarrasse du superflu. Sur un plan/point de vue "de classe", les trois frères ont la caractéristique de s'opposer à une société "normale" mais qui ne tourne pas rond (art, emploi, justice sociale, drogue, loterie, show business, abnégations sans cesse déçues). Bref, "les trois frères" ne savent plus comment se mettre dans une société qui ne veut pas qu'ils soient ensemble. Quand ils ne sont pas ensemble, on s'aperçoit que leur vie n'est pas non plus très "normale" c'est-à-dire qu'elle repose sur une somme d'illusions - illusions que l'insertion des deux autres frangins vont envoyer valser comme un jeu de quilles. "Le masque et la plume" avant-hier a dit : "n'y allez pas" ! Bah si, au contraire, il faut y aller... Non parce que c'est une comédie brinquebalante mais parce que c'est un genre à promouvoir. Parce que la satire est à promouvoir, quels que soient son degré de conscience et ses talents. Cela vaut certainement mieux qu'un Marsupilami, RTT ou des trucs avec un mélange de Dubosc, Clavier et Réno - des films que je ne mettrais jamais, ô grand jamais, sur le même plan que l'intention d'une comédie de classe, peu importe son ton. Voilà pour les choses positives.

Je disais "brinquebalante" à l'instant. En effet, ça marche cahin-cacaha.
La réalisation est poussive, serrée, téléfilmesque ; le jeu est poussif ; les punchline ne sont plus au top voire elles sont répétitives... voire voire ressorties tout droit des années 90... Pas terrible tout ça.
Il nous restera quoi ?

L'histoire. Qui tient la route. Parce qu'à la base le concept est puissant, aussi puissant que celui d'une série.
C'est une promesse de trois quatre rires assurés.
Doucement satiriques (les scènes avec les banques sont fameuses et rappellent un de leur sketch parodiant le Crédit Lyonnais).

Des comédies entières ne m'ont pas fait rire. Mais là, avec la connivence que les Inconnus ont su susciter pendant des décennies et pour des décennies encore, pour leur vrai retour, cela valait un petit détour.

Je vous fais de gros poutous poutous.
Andy-Capet
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Créée

le 17 févr. 2014

Modifiée

le 12 mars 2014

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Andy Capet

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