Les Trois Soeurs du Yunnan par Ebow
Dans un village de Chine de la province du Yunnan, à 3200 mètres d’altitude, deux sœurs de 4 et 6 ans se disputent. L’aîné, 10 ans, tente de les calmer. Ainsi commence Les Trois Sœurs du Yunnan, récit de cette fratrie laissée-pour-compte qui va essayer tant bien que mal de survivre malgré l’absence d’intervention adulte. Leur quotidien terne et morose, comme pouvait l’être celui de Jeanne Dielman de Chantal Akerman, teinté de répétitions des mêmes activités (rentrer les moutons, cuire des pommes de terre…), semble complètement banal pour elles, mais impressionnant pour le spectateur.
En effet, cet ennui profond est filmé ici de manière passionnante. Wang Bing confirme ses talents de photographe et nous livre des images d’une immense puissance émotionnelle. Certes loin de la perfection formelle standard, l’image souvent pleine de bruit, parfois sous-exposée ou surexposée, s’impose comme un gage de la vérité documentaire qui se dégage du film. Car c’est là tout l’intérêt des Trois Sœurs du Yunnan, véritable leçon de cinéma direct, qui cherche à retranscrire avec le plus de véracité possible le quotidien des jeunes filles.
Michel Brault, à propos du cinéma direct, parlait de « contrat tacite entre les gens filmés et ceux qui filment, c’est-à-dire une acceptation mutuelle de la présence de l’autre ». Ici, c’est grâce à ce contrat que Wang Bing parvient à capter des images si fortes qui trouvent le parfait équilibre entre tendresse et dureté. Sa volonté de donner la parole aux trois sœurs s’inscrit alors comme un parfait contre-pied aux images de la Chine florissante des médias.