"America's greatest contribution has been to teach the world that getting old is such a drag."

Un groupe de rock en 1968, constitué de musiciens de 15 à 25 ans au passif plus ou moins rebelle, est approché par un politicien (joué par Hal Holbrook) de Californie qui souhaite profiter de la popularité de leur rockstar pour propulser sa carrière. L'opération réussit, le groupe introduit en contrepartie la musicienne la plus âgée de la bande au Sénat afin d'obtenir de nouveaux droits pour les jeunes, et voilà que le leader se présente au présidentielles, remporte les élections, et fait voter une première loi : tous les vieux (comprendre les personnes âgées de plus de 35 ans) seront envoyés en maison de retraite pour y prendre du LSD jusqu'à la fin de leurs jours, suivant le précepte énoncée par la toute jeune sénatrice, "America's greatest contribution has been to teach the world that getting old is such a drag."


C'est le scénario complètement improbable de Wild in the Streets, une comédie politique américaine de la fin des années 60 qui se fait la parfaite représentante de cette mouvance culturelle aux prétentions révolutionnaires, mis en scène par Barry Shear, le futur réalisateur du très sérieux thriller noir Across 110th Street. Le film est un gros OFNI oscillant entre pur délire et sérieux déroutant, saillies hystériques et structuration rigoureuse, et alternant entre des passages d'une frénésie écœurante (l'introduction montrant de manière presque épileptique l'enfance et l'adolescence du héros en prise avec des parents rigoristes et amateur d'explosifs) et des séquences musicales presque conventionnelles. À ce titre, petite révélation personnelle : on peut entendre dans le film la chanson Shape of Things to Come, présente sur la célébrissime compilation de rock psychédélique Nuggets, et qui n'est donc le fruit que du groupe fictif du film, Max Frost & The Troopers, créditée comme telle sur l'album. Je tombe des nues.


Max Frost, c'est donc un homme de 22 ans et célébrité planétaire qui fait campagne après avoir pénétré habilement le système sur la base d'un programme excentrique, demandant notamment l'abaissement de l'âge légal pour pouvoir voter à 14 ans, tout en se permettant des sorties lunaires comme "I have nothing against our current President, that's like running against my own grandfather. I mean, what do you ask a 60-year-old man? You ask him if he wants his wheelchair FACING the Sun, or facing AWAY from the Sun. But running the country? FORGET IT, babies!". Et autant dire que dans leur conception des choses, il n'est déjà plus souhaitable de vivre au-delà de 30 ans.


Un concentré de grand n'importe quoi donc, reflétant agréablement l'esprit de l'époque malgré le côté bordélique de l'action, qui vaut avant tout pour sa dimension bouffonne. Il y a notamment une scène ahurissante où les jeunes sabotent un vote au Sénat en déversant des litres de LSD partout autour des résidences des sénateurs, aboutissant à une session de vote parmi les plus surréalistes qui soient. On peut aussi voir Ed Begley, stéréotype de patriarche autoritaire et juré le plus facho dans Douze Hommes en colère, complètement perché sous acides en robe violette et heureux de sa condition dans un goulag pour personnes âgées, c'est pas rien. La mère du président-rockstar interprétée par Shelley Winters est pas mal gratinée également, passant de la figure de parent inflexible à celle de groupie opportuniste. On parle même de suppression de l'institution militaire dans le monde entier (convertie en police de l'âge) et du PIB, d'envoi des céréales excédentaires aux pays qui en ont besoin, de dissolution de tous les services secrets... Tout ça tandis que la prochaine révolution / guerre intergénérationnelle se prépare, celle des enfants qui veulent parquer tous les plus de 10 ans. Loufoque, satirique, sans finesse, mais malgré tout sympathique et surtout radicalement hallucinogène.


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Morrinson
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le 4 juil. 2024

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