Ce film daté de 1960 et réalisé par Gilles Grangier nous raconte les aventures d’un trio de grands-pères impayables et surtout boit-sans-soif, à travers la Vendée pour rejoindre l’hospice où ils pensent vivre la belle vie (on leur a promis « un litre de vin par jour » !). Gabin retrouvait ici son vieux complice Grangier (ils ont fait une douzaine de films ensemble) mais sortait des rôles de patriarche auxquels il était habitué depuis les années 50. Il est rejoint par Noël-Noël et Pierre Fresnay qu’il a imposé à la production, son confrère de « La Grande Illusion ». Il a par contre refusé un rôle à son copain Fernandel car l’accent méditerranéen dans le bocage vendéen aurait détonné et surtout Fernandel avait souvent tendance à rajouter du texte et « piquer des scènes » à ses partenaires. Tout ne fut pas simple dans ce trio, chacun adoptant un accent différent très prononcé à tel point que Grangier a dû réenregistrer pas mal de scènes en post-synchronisation. Et puis Fresnay était un grand homme de théâtre mais dans son rôle de papy indigne du bocage vendéen, il n’est pas toujours convaincant. Audiard a d’ailleurs parlé à son propos de « malentendu », chacun ayant fait un effort pour aller vers l’univers de l’autre mais ça n’a pas totalement fonctionné. Eh oui, « jouer du Audiard » c’est comme une partition qui ne souffre pas d’improvisation et qui n’est pas donné à tout le monde : si on se force, ça ne peut pas marcher.
Bien entendu, les trois cabotinent à qui mieux-mieux et chacun en fait des tonnes mais la farce est réjouissante grâce aux dialogues somptueux d’Audiard, ce qui donne des merveilles qui fusent comme : «Y'a pas à dire, dans la vie, y faut toujours se fier aux apparences : quand un homme a un bec de canard, des ailes de canard et des pattes de canard, c'est un canard. Et c'qu'est vrai pour les canards l'est vrai aussi pour les p'tits merdeux. » ou «- Hooooooooo, vous l'entendez dire çà, mes vieux gars ? Cré bon dieu de veau. Si on l'avait su qu'on nous causerait comme ça, on aurait fait exprès de la perdre… - De perdre quoi ?- La guerre d'14. ». Comme le dit Baptiste au chauffeur de car : «Si vous y allez aussi vite que j'vous emmerde, pour une fois, vous serez en avance sur l'horaire. » ou encore Baptiste à Blaise : « Ce que tu nous fait, ça classe un homme. Et là où je te classe, y a que le chacal qui est derrière toi »🤣. Un immense Audiard. Un régal qui préfigure « La Grande Vadrouille » de Gérard Oury en 1966.