Le "Chameau" crève l'écran
Avec "Les Yeux de l'amour", Denys de La Patellière adapte le roman de Jacques Antoine "Une Histoire vraie". Bien que le personnage de Danielle Darrieux nous semble peu crédible au départ - on a du mal a imaginé que cette superbe femme de 40 ans soit vieille fille et peu regardée par d'éventuels prétendants-, on rentre peu à peu dans l'histoire, qui se révèle peu à peu un beau portrait de femme, bien moins superficiel que ne le laisse paraître l'histoire d'amour entre elle et Jean-Claude Brialy qui n'est qu'un prétexte pour une subtile analyse des dégâts psychologiques venant de l'éducation d'une maratre tyrannique, égocentrique, humiliante, sarcastique et jalouse, jouée par une Françoise Rosay faisant corps avec son personnage: un vrai "chameau".
D'ailleurs chaque scènes avec cette dernière nous vaut des moments forts dû aux remarquables dialogues de Michel Audiard: les joutes oratoires avec Bernard Blier (le docteur, ex fiancé de sa fille), qui sait à qui il a à faire, sont toujours cocasses et font rire...jaune, la scène avec le curé, comique, puis les affrontements entre elle et Danielle Darrieux puis Jean-Claude Brialy (débutant et peu à l'aise entre ces monstres sacrés), sont très violents et cruels, révélant tout le tragique du drame qui se joue depuis tant d'années.
Ce n'est évidemment pas un film d'auteur, mais bien un film de la dite "qualité française", sans vraie inspiration et audace filmique. Dans la première partie, trop de scènes traînent en longueur, l'histoire paraissant anecdotique mais s'appuyant sur le jeu remarquable du trio Darrieux-Rosay-Blier et les dialogues d'Audiard. Le rythme s'accelère un peu dans la seconde partie et prend une tournure plus tragique. J'imagine ce qu'un très grand cinéaste aurait fait de cette histoire.