Dans un registre faisant penser au western sans en adopter clairement tous les codes et toutes les conventions, "L'Étreinte du destin" aka Count Three and Pray se propose d'étudier la situation au lendemain de la Guerre de Sécession, dans un petit village du Sud, dans lequel revient Luke Fargo, un personnage interprété par Van Heflin, qui souhaite réintégrer la communauté en tant que pasteur fraîchement entré dans les ordres. Petit à petit, on prend connaissance de certains détails qui s'annoncent délicats dans un tel contexte. Fargo était un coureur de jupons avant la guerre, et sa conversion religieuse récente ne convainc pas grand monde, d'autant qu'il partage l'ancienne paroisse calcinée (qu'il entend réparer) avec une jeune fille / garçon manqué — Joanne Woodward alors âgée de 25 ans dans le rôle de Lissy, 18 ans. Pire : Fargo a combattu avec les unionistes pendant la guerre, et ce n’est évidemment pas au goût de tout le monde.
Autant dire que l'arrivée de ce pasteur bouscule la vie des habitants, du petit magnat local aux filles d'aristocrates sans le sou suite à la défaite. C'est une configuration plutôt intéressante dans ses termes, mais il est dommage que George Sherman en exploite si peu et qu’il ne parvienne pas à en tirer quelque chose de plus percutant et plus captivant. Car la volonté chevillée au corps du protagoniste de se racheter souffre d'un manque de légitimité et de contextualisation, comme s'il était passé du statut de grand cavaleur à celui de religieux respectable en un claquement de doigts. Ses hésitations lors de la prononciation des sermons ne sont pas suffisantes pour construire la nécessaire zone d’ombre. Il est fait référence à une séquence horrible durant la guerre qui l'aurait traumatisé, mais c'est bien peu de chose. Son amitié avec l'adolescente (souvent insupportable il faut bien le dire) devenue orpheline pendant la guerre, avec toutes les rumeurs graveleuses que cela suscite, souffre d'un même manque d'approfondissement.