Avec une belle maîtrise consistant à décrire en parallèle le déroulement d'un coup d’État militaire et la vie quotidienne d'un universitaire de renommée nationale, ce film amène patiemment la scène de la dispute historique (" el choque ") qui eut lieu à l'université de Salamanque entre Miguel de Unamuno et les franquistes lors de la Fiesta de la Raza, le 12 octobre 1936, jour de commémoration de la découverte de l'Amérique. Ce qui précède ce grand moment s'attache à montrer la complexité de la démarche du recteur, assez tortueux et imprévisible, y compris pour ceux qui l'entourent avec affection. C'est ce final qui est l'enjeu du film : un match entre celui - en l'occurrence le général africaniste Millán-Astray - qui vitupère : " les intellectuels à mort !" et le fameux " viva la muerte ! " et Unamuno qui annonce : " Vous vaincrez, mais vous ne convaincrez pas ". Sa prise de parole atteste qu'il existe une autre manière de se battre, de prendre des risques et il l'assume avec courage. C'est à ce moment qu'il est exemplaire, dans cet hymne à l'engagement. Pour le reste de son œuvre et de ses prises de position, il faudrait en savoir plus que n'en dit ce film et il est compréhensible que l'héroïsation du chantre de la génération de 98 puisse agacer certains.
Le grand mérite de ce film est d'administrer une piqure de rappel contre le fascisme en mettant en scène la collusion de la violence et de l'anti-intellectualisme. Le bon généralissime en prend pour son grade. Il doit se retourner dans sa tombe, surtout depuis qu'il a changé de sépulture. A moins que, petit roublard qu'il est, il se frotte les phalanges en suivant attentivement quelques scènes symboliques de ce film qui rappellent que le drapeau bicolore (le sang et or des rois catholiques) continue de flotter sur le pays alors que l'emblème tricolore de la république cher à Unamuno est demeuré dans les placards après la transition pactée.