Un garçon de onze ans qui marche sur les toits, en équilibre précaire, menaçant à chaque instant de tomber, seul, sans personne pour le protéger. Cette scène, qui se répète (et qui se retrouve sur l'affiche) est très représentative du film.
D'abord, Tommaso est un garçon en équilibre. En équilibre très instable entre la vie "normale" d'un enfant de son âge et une maturité trop rapide due à sa situation familiale pour le moins instable. Tommi est pris entre une mère volontiers fugueuse, qu'on en verra que pendant le tiers du film environ, et un père qui alterne moments calmes et crises de violence. Deux parents immatures aux réactions opposées.
Le film est construit autour de l'apparition de la mère. Une demi-heure environ où elle sera présente, au centre du film et au cœur de son organisation, avec un "avant son arrivée" et un "après son départ". Une mère belle et sensible, accusée d'être une nympho par son père. Une mère qui est aussi une sorte de force centrifuge, qui provoque l'éclatement de tout ce qu'elle approche. Elle semble être foncièrement anti-autorité : elle ruine l'autorité de la prof en venant chercher son fils en plein milieu d'un cours, elle rejette l'autorité de la police, et elle ruine même l'autorité paternelle (pourtant sacro-sainte dans le monde latin) en transformant son mari en "homme de ménage".
Le mari, c'est Renato. Et Renato, il a du mal à surnager au milieu de tous ses problèmes. Bien entendu, il doit se débrouiller seul avec ses deux enfants. Mais, en plus, son instabilité émotionnelle (et son immaturité, à lui aussi) entraîne des problèmes financiers. Et, menacé de perdre son logement, il semble perdre pied.
Et pourtant, qu'il est beau, ce couple. Lors d'une scène très travaillée esthétiquement, on voit les deux parents dans une chaude lumière d'été, dans un hôtel-restaurant. Un couple qui paraît alors amoureux, beau, presque idéal. Mais un idéal éphémère, voire même mensonger.
Parce qu'elle va repartir. Ce n'est pas une surprise : dès son arrivée, Tommaso l'affirme : elle va repartir. C'est inévitable. Et depuis ce moment-là, le jeune garçon va scruter sa mère, à la recherche des signes annonciateurs de sa future et inévitable trahison.
Cette scène montre aussi la grande lucidité de Tommaso. Un garçon mature (il doit l'être, puisque personne d'autre ne l'est), conscient des problèmes financiers de la famille. Et qui a besoin de ses moments de solitude, seul sur les toits ou tapant un ballon, dans la cour.
C'est cette recherche de solitude qui va rapprocher Tommaso de Claudio, le nouvel élève muet de la classe. Deux personnages en retrait, loin des autres, qui préfèrent être seuls.
Et puis, il y a Antonio, qui emménage au troisième étage. L'antithèse de Tommaso. La famille d'Antonio est riche, ses parents sont calmes, tranquilles, amoureux, souriants, confiants... Tommaso va s'en rapprocher également, mais comprendre aussi que sa vie n'est pas là.
Pour son premier (et, à ce jour, seul) film, l'acteur Kim Rossi Stuart semble s'inspirer de sa propre enfance. Il réalise un film entièrement centré sur Tommaso. Tout est vu par son regard. A l'écran, soit nous avons Tommi, soit nous avons ce qu'il voit. Ce qui explique aussi les questions sans réponses : où est la mère ? Qu'a-t-elle précisément ? Etc.
Le cinéaste réussit un film en équilibre, échappant aux pièges du film d'enfant mais aussi aux écueils du mélo. Le film est certes émouvant mais avec une retenue sobre et digne. Sobre, comme la mise en scène choisie par Kim Rossi Stuart : pas de tape-à-l'oeil, une fois de plus. Ce qui donne encore plus de forces aux deux ou trois scènes qui sont plus travaillées esthétiquement (le retour de la mère, la piscine).
Se donnant finalement la casquette d'acteur itou (ce qui n'était visiblement pas prévu dans le projet initial), Kim Rossi Stuart n'hésite pas à malmener son image de beau gosse en tenant le rôle du père (il faut le voir, dans la scène d'ouverture, faire du repassage, cul nu devant ses enfants).
En bref, un fort beau film, subtil et émouvant, un film sur l'enfance qui mise sur l'intelligence et la sensibilité. Une belle réussite.
[Le film est présenté aux élèves de 4ème et 3ème cette année 2014-2015 dans le cadre de Collège au cinéma dans l'académie de Grenoble, un choix qui me paraît judicieux]